Le festival d’Avignon côté « IN »
Mon « IN » a commencé d’une manière malheureuse : pluie et annulation du spectacle japonais Mahabbarata. Mais il y a l’énigmatique et pleine d’intérêts dystopie « The Humans » ainsi que la féérie musicale et dansante « Coup Fatal », l’inaccessible « Prince de Hombourg », le spectacle pour la jeunesse « Falstaff » et la farce « Don Giovanni », cinq spectacles qui, ajoutés au chaud soleil des jours suivants, m’ont fait oublier le début pluvieux.
« L’Observateur russe » a été accrédité au festival théâtral d’Avignon.
Une fête du théâtre, attendue et joyeuse, dans une ville-labyrinthe, baignée par le soleil du sud, avec un public énorme, des affiches, des flyers, une publicité vivante, des acteurs et des musiciens des rues. C’est l’événement théâtral de l’année avec ses choses sacrées – la Cour d’honneur — , ses emblèmes – les fanfares bien connues de la sonnerie du théâtre, les habituels maillots rouges du personnel.
A Avignon, il faut choisir une série de spectacles et ne pas s’affliger de ceux auxquels on n’a pas réussi à assister. Le festival d’Avignon est une expérience personnelle qu’il est impossible de répéter ou de reproduire. Les spectacles joués ici en juillet se dispersent comme les oiseaux, poursuivant leur chemin à travers la France et l’Europe.
Mon Avignon 2014 se nourrit de l’énergie électrique du spectacle-concert dansé « Coup Fatal ».
En observant les danses de la troupe belge KVS, sous la direction d’Alain Platel (13 artistes noirs qui sont aussi musiciens), il est impossible de ne pas attraper leur joie de vivre. Mes pieds commencent à battre la mesure, et mon sourire partage mon visage en deux. Un curieux mélange de folklore rock-and-roll composé de trois guitares, d’un balafon, d’un xylophone, de chants et d’anciennes kalimbas africaines. Les musiciens s’accompagnent et vivent leur musique. Leur spectacle est tellement réel que l’on ne doit pas seulement l’appeler de la danse ; et le contre-ténor Serge Kakudji, avec son doux timbre et ses arias baroques, ajoute de l’exotisme et du charme à ce mélange.
Le baroque, la variété et le folklore coexistent dans une joyeuse harmonie.
Mon Avignon « IN », c’est aussi la dystopie philosophico-absurde « The Humans ».
Alexandre Singh, metteur en scène et auteur de la pièce, propose aux spectateurs une version tragi-comique et absurde de l’histoire de la création du monde et de l’humanité. Les démiurges agissent : le lapin Nesquik (une dame) et le sculpteur pédant Charles Ray (Sarastro ?), qui forme et ranime des statues (l’humanité) pour en créer de nouvelles. Malgré leur aversion, ils créent le monde, suivant les indications d’une voix divine et mystérieuse, qui est un simple chat. Leurs enfants, chenapans, parviennent, par hasard, à apprendre aux statues vivantes à ressentir et à réfléchir (le péché originel ?). Et, ensemble, avec des besoins élémentaires (faim, soif) ils finissent par se répandre dans une mer de vices. Les statues se révoltent contre leurs créateurs et déversent devant les spectateurs la charge monstrueuse de la société contemporaine. Une représentation pas ordinaire.
Dans mon « IN » est incompréhensible la présence, parmi les spectacles pour enfants, d’une nouvelle version de Falstaff, d’après la pièce de Valère Novarina. Un style jeune : les costumes – typiques d’adolescents, la décoration — une imitation triste de la réalité (par exemple, une poubelle au centre de la scène).
Le rock et la variété comme forme musicale. Une adaptation shakespearienne d’Henri III, mise en scène par Lasare Herson-Macarel. Falstaff, c’est un exemple moderne du nouveau théâtre. A travers une réflexion comique et grimaçante sur le diable, sont évoquées des questions profondes sur la vie et la mort. Ce thème émerge aussi dans « La dernière fête de Don Juan », une représentation allemande d’Antu Roméo Nunes.
Je me posais des questions sur cette «pseudo comédie », adaptation (lointaine) du Don Juan de Mozart dans un style rock-variété. Cette mise en scène est une véritable farce, presqu’un délire fou. Tout commence avec un acteur en robe de chambre (Leporello) qui commence à chanter « A », « BLA-BLA » etc. Peu à peu, un saxophone s’ajoute, puis apparaît un ensemble d’instruments de musique et des vocalises en « AAAAA » scandées avec joie par les spectateurs …. Mozart ! L’ouverture de l’opéra Don Juan. Une farce avec un élégant Don Juan à sa tête et qui devient de temps à autre tragi-comique et évoque les questions de l’amour, de la société contemporaine, de la mort. N’oublions pas, cependant, la joie du public. Avant l’entracte, Don Juan invite toutes les femmes qui le souhaitent sur la scène afin de danser et de boire du champagne mais, après les échos retentissants des amateurs du jeu, le rideau se ferme, nous laissant dans l’ignorance.
La dernière partie du spectacle — la mort de Don Juan, qui à la place de la statue du Commandant, incarne une fumeuse charismatique à la voix enrouée, se déroule sur l’avant-scène, entre les spectateurs de la salle et les spectatrices toujours en train de rire sur la scène.
Le sommet inaccessible de mon festival d’Avignon, cette année, est le « Prince de Hombourg », une dramaturgie du poète allemand Heinrich Von Kleist, représentée sur la scène du Palais des Papes, par le metteur en scène Giorgio Barberio Corsetti.
Une mise en scène classique, des acteurs formidables, en particulier Xavier Gallais (le prince) et Eléonore Joncquez (la princesse Nathalie d’Orange). Une décoration sombre et modeste -quelques marchands ambulants et un plateau, un cadre avec des rideaux et une vidéo-projection stupéfiante — pour exprimer la guerre, par exemple.
Un texte profond, bien restitué par les acteurs, une mise en scène irréprochable ne permettent pas aux spectateurs de s’en aller avant la dernière minute en dépit de la durée de la pièce -2H30- et du froid de la nuit avignonnaise. La mise en scène mérite d’être vue et revue dans sa version vivante ou enregistrée, mais il est peu probable qu’elle puisse exister en dehors des murs du Palais des Papes, pour lesquels elle a été créée.
Le festival de cette année a été grandiose, mais plein de dérangements suite au mécontentement des intermittents du spectacle liés à une réforme de leur régime particulier. Parmi ces troubles la grève, des actions, l’approche des spectateurs, la lecture de la réponse des intermittents « Non, merci » avant chaque spectacle et le port massif de carrés rouges, symbole de solidarité. Le public n’est pas un simple sympathisant mais participe activement au mouvement.
Cependant, le festival n’a pas été annulé, les spectacles se jouent et les rues d’Avignon sont toujours pleines d’une foule bruyante et bigarrée.
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Красиво и интересно. Мерси!
merci!
Так ярко и живо изложено и очень хорошо, что видна авторская позиция: успела только сюда, посмотрела вот этот и этот спектакль. И подробно именно про то, что видела сама.