Les soixantares ou « Elena Seregeevna » à la française
A partir du 2 septembre au Théâtre de Poche-Montparnasse à Paris est donnée avec succès la pièce qui avait fait grand bruit dans les années 80 « Chère Elena Sergeevna » écrite par la dramaturge russe Ludmila Razumovskaia. Cette pièce qui a en son temps engendré en Russie tellement de « cris et chuchotements » pendant la période de la Perestroïka, pendant laquelle on levait les tabous est devenu presque un classique contemporain. Il y a une trentaine d'années, ce célèbre spectacle a été traduit en français par le couple de slavistes Marc et Joëlle Blondel. Mais la pièce dirigée par Myriam Boyer arrive seulement maintenant jusqu'aux spectateurs français.
Je ne me pencherai pas sur son sujet mais je souhaiterais plutôt changer d'époque et de lieu, et me retrouver sur le bord oriental de la Crimée ou l'été de la fin des années 60 où une bande de beatniks moscovites se transforma en photographes de plage.
Le brigadier «de ces fêtards sans limites» était Khvost, c'est à dire Alexei Khvostenko, poète, peintre et barde. C'est notamment en sa qualité d'auteur de petites chansons élégantes et complexes qu'il se lia d'amitié avec Marc Blondel un traducteur français.
Le chemin de ce slaviste français sortait du commun. Alors que ses collègues planchaient sur Dostoïevski ou Biely Marc lui étudiait l’œuvre des«créateurs libres » du post-dégel, des chanteurs qui encore hier se débattaient sous le joug de la censure. Et a soutenu une thèse à l'Université d’État de Moscou sur... Okudjava.
Marc traduisait avec ferveur (de nos jours aussi d'ailleurs) en français des chansons populaires ainsi que des chansons d'auteurs. Et en ces soirs d'été « criméens » au dessus des vignobles dormants « à peine le soir tombait » on entendait Khvost et Marc mêlaient des chansons en russe et en français accompagnées de deux guitares.
La maison était ouverte tout l'été pour les amis. On pouvait y venir à tout moment, entrer sans frapper, vivre autant de temps que le cœur vous en disait. Et voilà que Marc et Joëlle y vinrent en «clandestins» s'étant présenté pour la conspiration comme des « journalistes de Riga ». (Il ne faut pas oublier qu'à cette époque la Crimée orientale était en vérité farci de blockhaus et d'objets militaires «top secret»!)
Probablement le propriétaire en écoutant les discussions de «Rijane» dans son dialecte a exigé que Khvost et compagnie déguerpissent les menaçant dans le cas contraire de murer la maison avec ses habitants!
« Chez nous à Riga cela ne se fait pas ! S'exclama Joël Nous l'écrirons dans le journal de Riga ! »
« Et pas dans le parisien ? Rétorqua le propriétaire Disparaissez ou je vous dénonce tous à la Police ! »
Voilà de quelle façon des slavistes français firent connaissance avec la vraie vie soviétique ! Et en effet, jusque là en dépit d'une vie qui s'écoulait non pas avec des diplomates mais dans un modeste foyer d'étudiants ils étaient séparés des réalités soviétiques d'alors par une pellicule transparente mais très résistante !
***
Marc Blondel, un slaviste français aux racines d'Europe de l'Est. Son père, expressionniste célèbre André Blondel (Sacha Blonder) est né le 27 mai 1909 dans la petite ville polonaise de Chortkov en Galicie. Son itinéraire artistique est comme ceux de ses talentueux compatriotes originaires d'Europe orientale est parti d'une petite ville juive pour arriver à Paris. En 1926, à 17 ans, Sacha Blonder se retrouva là bas, dans la capitale des arts. De 1930 à 1932, il étudie à l’école des Beaux-Arts. Et en 1932, il rentre en Pologne, intègre l'Académie des Arts de Cracovie ou en 1933 il crée avec des collègues « le groupe avant-gardiste de Cracovie ». La première exposition de celui-ci eut lieu à Lvov en 1933.
En 1937, le peintre revient de nouveau à Paris, à Montparnasse où avait fait son nid un groupe d'oiseaux migrateurs et bohèmes d'Europe de l'Est : Soutine, Dobrinski Kremen... Là bas Blonder trouve une deuxième patrie « spirituelle» et en même temps un nouveau nom André Blondel.
Mais déjà s'étend sur le monde un nuage noir : la Deuxième Guerre Mondiale ainsi que l'occupation. En 1940, A Blondel s'évade de la police Vichyssoise pour aller dans la zone libre, au sud de la France. Il se cache d'abord à Aix-en-Provence puis dans un petit village au nord de Carcassonne. Un groupe de Résistance aida alors l'artiste juif à sauver sa vie.
A la fin de la guerre, André Blondel reste dans le sud de la France à Carcassonne avec sa femme et ses deux enfants : Hélène née en 1944 et Marc né en 1945.
Ici il produit beaucoup, peint des tableaux et rencontre des artistes catalans. Raoul Dufy lui achète trois tableaux.
Ensuite, la famille déménage dans la ville de Sète au bord de la Méditerrané. C'est là qu'en 1949 un malheur se produit : André Blondel monté dans le grenier afin de réparer le toit tomba et se tua sur le coup! Il n'avait alors que 40 ans et son fils cinq. Depuis, toute sa vie depuis sa plus tendre enfance, son fils conserve sa mémoire et garde son œuvre.
Actuellement Marc Blondel vit et travaille au Havre, il enseigne à l'université la langue russe et la littérature. L'été il vient à Sète. Ici dans la patrie de Paul Valéry et de Georges Brassens il a une superbe maison avec un jardin. Sur le sommet de la colline, plus haut que le phare.
Les cahiers polonais
Quelques années auparavant, Marc Blondel a fondé l'association « Les amis du peintre Blonder-Blondel ». Et en 2009, un événement marquant se produisit : presque 70 ans après la mort de son père chez lui, en Pologne, 157 croquis de A.Blondel ont été retrouvés. Un trésor authentique avait survécu par miracle.
Et en 2011, eut lieu un pèlerinage du bureau de l'association avec Marc Blondel en tête de France en Pologne. Ils visitèrent le « Fond 773 » entièrement consacré à l’œuvre de A.Blondel. Et un an plus tard l'association publia le catalogue « les cahiers polonais de Sacha Blonder-Blonder (1929—1937) » Il y a des gouaches, des aquarelles volantes, pleine d'élan d'humour, de lyrisme, de poésie et parfois de tragique (scènes de guerre).
«Les chemins de l'artiste et de ses œuvres sont souvent impénétrables » dit l'historienne polonaise des arts Natasza Styrna, spécialiste des œuvres d'André Blondel. « Mais on sait continue- t — elle que rien de véritablement précieux ne peut complètement disparaître car le hasard dans ce cas un hasard heureux n'est rien d'autre qu'une nécessité ignorée. Autrement dit dans le plus haut sens du terme la Providence »
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Какие симпатичные ребята! Веселые, талантливые, верные. Спасибо «Очевидцу» за эти лица.
Г. Париж, 12,09,14. Неслучайно такие «симпатичные ребята» выбрали такую гадкую и одновременно надуманную пьесу («Механический апельсин» для бедных). Ныне такой «тренд» — очернить всё русское.
«Механический апельсин»? Чертовски точно найдено! Но отчего же «очернить все русское»? Речь-то идет о дьяволизме ощущения безнаказанности.