L’Observateur Russe s’est rendu dans les locaux du 119 afin de vous faire partager les moments les plus intenses de ce métier a part entière.

« 119, bonjour ! »

« …vous êtes bien au numéro national de l’enfance en danger ». C’est le pré-accueil qui décroche les appels et a pour mission de filtrer les demandes. Objectif : comprendre, dans un premier temps, s’ils entrent bien dans le cadre des missions attribuées au service. « Il ne faut pas hésiter, nous sommes là pour vous aider. Sans réponse de votre part, je vais devoir raccrocher… » Un curieux ? Un canular ? Non, pas toujours. « Parfois, les personnes qui appellent ont tout simplement peur d’exprimer le motif de leur appel… »

De la fessée d’une maîtresse à l’alcoolisme d’un père

« 119 Bonjour, voulez-vous évoquer une situation liée à un enfant en danger ? Vous êtes à l’accueil, votre appel sera transmis à un de nos professionnels de l’enfance. » L’opératrice maîtrise parfaitement son travail. Elle sait l’importance de chaque mot face à des personnes démunies pour qui cet appel est déjà un pas très coûteux.

Ce matin, des adultes préoccupés par une situation d’enfants risquant d’être en danger préviennent le 119. « Bonjour, expliquez-moi ce qui vous inquiète », répond calmement la professionnelle. « Une école maternelle ? Des fessées ? De la part de qui ? Comment l’avez-vous appris ? Je suis d’accord qu’il faut signaler cette scène, mais je vous déconseille de rester anonyme. Si nous transmettrons cette situation, il ne faut pas que ce soit seulement des paroles rapportées. Il faut faire attention à la désinformation. Que craignez-vous ? Sachez que je transmets cette information aux professionnels de la protection de l’enfance tenus par un secret professionnel. Plus nous avons d’informations, mieux l’affaire sera traitée. (…) Je transmets votre demande. Merci de votre appel. »

Des situations telles que celle-ci, Monique* en rencontre des dizaines chaque jour. Si on ne s’habitue jamais à la détresse des personnes avec le passage des années, on en tire de l’expérience, de la sagesse. Face à certains cas, on relativise. D’autres fois, on prend la mesure de la gravité de la situation et l’on met en œuvre les moyens pour le problème soit réglé au plus vite. Au 119, on n’a pas une minute de libre. Maintenant, ce sont les proches d’une fratrie qui s’inquiètent de leur situation. « Bonjour, vous appelez pour vos neveux. Ce monsieur est alcoolique. Il boit beaucoup et il est violent. Les enfants subdivisent la violence, ils font les poubelles pour pouvoir manger, ils dorment par terre, ils se font frapper. Les parents insultent les enfants. (…) Je transmets l’information. (…) Merci beaucoup pour votre appel. Vous avez fait le nécessaire !»

Marche arrière…

« Bonjour, comment t’appelles-tu ? Quel âge as-tu ? Tu as déjà appelé ce matin et tu souhaites faire marche arrière. Je vais consulter ton dossier et je te propose d’en parler. Tu as des soucis avec ta maman. Tu n’en peux plus, tu as faits des fugues et même des tentatives de suicide… Les plaintes ont déjà été faites et tu as eu des soucis avec l’assistante sociale. Tu as perdu ton père ? Tu ne l’as jamais connu. Il a fait de la prison pour la pédophilie ? Tu penses que ta mère ne t’aime pas car tu lui rappelles ton père ? Je comprends que ceci te blesse. Tout se passe bien à l’école? Tu as du mal à te concentrer parce que tu es préoccupé par tes soucis familiaux ? Le système scolaire te dégoutte. Personne ne t’écoute. (…) J’ai l’impression que ta maman te fait payer les péchés de ton père. Tu te mets en colère, la situation déborde sur ta scolarité. Tu ne veux pas être placé ? Mais il y a beaucoup d’endroits où tu peux être très bien… Vois-tu un psychologue ? Oui ? C’est bien ! Je pense que ta maman doit aussi parler avec quelqu’un. Il y a une certaine violence dans ce que tu me racontes et beaucoup de choses étranges. C’est pour cela qu’une aide extérieure serait la bienvenue. Qu’en penses-tu? Je t’assure qu’il y a des solutions. Es-tu rassuré ? N’hésite pas à nous rappeler. » Au cours de l’appel, l’écoutant prend des notes. Puis, il rédige un compte-rendu des informations qu’il a recueillies et le transmet au coordinateur. Ce dernier le transmet dans les plus brefs délais à la Cellule de Recueil des Information Préoccupantes (CRIP) du département concerné. Cette dernière prend le dossier en charge et décide de la procédure à suivre (aide de l’assistante sociale, dans les pires cas l’affaire est transmise au parquet). En cas de danger imminent décessant une mise à l’abri du mineur, le SNATED contacte les services de première urgence. L’écoutant doit se montrer précis, il pose beaucoup de questions afin d’évaluer la situation. Parfois, il est touché par les récits. Pour cela, les coordinateurs apportent une aide aux écoutants. Ils ont une approche plus neutre et peuvent prendre de la distance par rapport à la situation. Tous les 15 jours, des réunions de supervisions ont lieu. Le personnel peut parler des choses qui lui pèsent ou l’inquiète.

Malgré le métier difficile de ces personnes, l’atmosphère au sein de l’équipe est toujours chaleureuse. Vous pouvez compter sur eux quoi qu’il arrive. Ils sont là pour vous écouter !