Le meurtre de Boris Nemtsov est devenu l’un des événements les plus discutés au sein de la presse française lors de cette dernière semaine. Et malgré le fait que cette tragédie eut lieu il y a à peine quelques jours, la presse et internet ont déjà fait paraître de nombreux articles au sujet de ce drame.

Ancien homme de confiance de Boris Eltsine, il incarnait la génération des jeunes réformateurs de la Russie post-soviétique, en étant l’un de ses opposants affirmés. Le journaliste dresse même un portrait physiologique du politicien : toujours le teint hâlé, les cheveux coupés courts, l’allure d’un séducteur malgré des poches de fatigue sous ses grands yeux noirs. Boris Nemtsov, physicien de formation, a débuté sa carrière peu de temps après la chute de l’URSS en 1990 en étant élu au Soviet Suprême (Parlement soviétique), il a ensuite obtenu le poste de gouverneur de la région de Nijni-Novgorod, puis a connu une ascension fulgurante sous le pouvoir de Boris Eltsine. De mars 1997 à août 1998, il occupait le poste de vice premier ministre et fut à plusieurs reprises condamné par le Kremlin pour avoir été un homme politique lié aux oligarques qui auraient profité de la vague de privatisations des années 1990. C’est précisémment lui, Boris Nemtsov, et non pas Vladimir Poutine, qui à son époque aurait pu devenir le Dauphin, successeur de Boris Eltsine. Mais tout cela ne s’est passé comme prévu, supposent les rédacteurs du journal de gauche libérale.

Curieusement, parmi les nombreux articles au sujet de Boris Nemtsov sur le site internet du journal, on peut trouver la vidéo qui a fait parler d’elle en diffusant l’affrontement de B.Nemtsov avec l’excentrique Vladimir Jirinovski. Rappelez-vous de cette « bataille ».

Le journal « Le Monde », pendant ce temps, établit une liste de suppositions pour le meurtre de Boris Nemtsov.

1. Le politicien fait partie des « victimes sacrifiées » par l’opposition elle-même. Sa mort est une provocation visant à déstabiliser la Russie. D'ailleurs, c’est en ce jour l’hypothèse que préfère le Kremlin.

2. La seconde explication possible : les relations entre B.Nemtsov et le conflit ukrainien. (Comme on le sait, le politicien était opposé à l’annexion de la Crimée et accusait les russes d’avoir déclenché les premières hostilités avec l’Ukraine.)

3. La piste islamique : une possible conséquence de la condamnation brutale et intransigeante de l’exécution des caricaturistes français de la revue satirique « Charlie Hebdo ».

4. « Les inimitiés personnelles » : Une piste liée à la compagne de Boris Nemtsov, mannequin ukrainienne. Les journalistes du quotidien « Le Monde » insistent sur l’attention particulière que portent les télévisions russes sur cette version.

Un autre titre du journal « Le Monde » s’est fait remarqué : « La mort de Boris Nemtsov allonge la liste des assassinats politiques en Russie ». Dans cet article sont énumérées les victimes des assassinats d’ordre politique durant le gouvernement de Vladimir Poutine : La journaliste Anna Politkovskaïa, ainsi que six autres employés du journal « Novaïa Gazeta » parmi lesquels comptaient la militante pour les droits de l’homme Natalia Estemirova ( qui continuait le travail de la journaliste Anna Politkovskaïa) , l’avocat défenseur des droits de l’homme Stanislav Markelov, la journaliste de 25 ans Anastasia Babourova, l’ancien agent des services secrets russes Alexandre Litvinenko et l’oligarque Boris Berezovski (mort dans des circonstances mystérieuses). La rédaction a mis en évidence que la résolution de toutes ces affaires restait inachevée. Ce que deviendra l’affaire Boris Nemtsov reste encore en suspens.

Le journal Le Figaro consacre également plusieurs articles au meurtre de l’opposant russe. L'un d'eux (extrait d’une interview de Boris Nemtsov pour l’hebdomadaire russe « Sobesednik ») le politicien avoue qu’aux yeux de sa famille la figure de Vladimir Poutine inspire la peur.

« Moi, je n'ai pas très peur. Si j’étais effrayé, alors je ne serais pas à la tête d’un parti d’opposition et je ne ferais pas tout ce que je fais. »

Selon les mots de l’opposant, V.Poutine effrayait surtout sa mère de 87 ans Dina Eidman, avec laquelle Boris discutait souvent de la situation dans le pays. Il cite sa mère qui lui répétait régulièrement : « Arrête de dire du mal de Poutine, il va te tuer ! »

Vous trouverez également dans les pages du Figaro, un article dans lequel Vladimir Fédorovski, écrivain et ancien diplomate russe exprime son opinion sur les derniers évènements tragiques. Bien entendu, Boris Nemtsov était en de nombreux aspects l’antipode de Vladimir Poutine, cependant, il ne représentait aucunement un danger pour le leader russe, présume le spécialiste. L’écrivain souligne le fait que grâce au renforcement du sentiment nationaliste, monsieur Poutine n’avait jamais été aussi populaire en Russie que maintenant et de ce fait Boris Nemtsov ne constituait pas pour lui une réelle menace. Toutefois, d'un autre côté, ce meurtre soigneusement planifié témoigne de la dégradation du climat politique en Russie. « Le constat c’est qu’il y a une radicalisation et une flambée nationaliste dans le pays. L’assassinat de Nemtsov reflète cela » suppose l’écrivain.

Si les « trois piliers » du journalisme français (Le Monde, Le Figaro et Libération) choisissent globalement la neutralité dans leur jugement sur la présentation de l'événement tragique qui s’est déroulé en plein centre de Moscou, d’autres et en particulier le journal Le Parisien s’empresse de mettre les points sur les « I » et pose des questions plutôt assertives : « Jusqu’où ira Poutine ?» s’interroge le journaliste faisant expressément allusion à la collaboration du dirigeant russe dans l’assassinat de Nemtsov.

« Le meurtre de l’opposant au Kremlin complique la position de la Fédération russe et intensifie les inquiétudes de l’Occident face à l’expansionnisme russe » pensent les journalistes.« En ce qui concerne l’opposition qui se trouve au pied du mur, voire totalement détruite, elle est présentée comme un moyen utilisé à l’étranger pour déstabiliser la situation dans le pays.Poutine place les problèmes (corruption, la hausse des prix, etc) sur le compte de la confrontation avec un Occident malfaisant, c'est-à-dire avec les États-Unis.

La rédaction du journal attire immédiatement l’attention des lecteurs sur une réaction extrêmement négative de la part de la communauté internationale au sujet des événements de Moscou. Le président français a dénoncé un « odieux assassinat », Barack Obama quant à lui qualifie le meurtre de « monstrueux » et Angela Merkel fut consternée par ce « meurtre lâche et choquant ». Néanmoins, ils ont tous banni les accusations directes à l’encontre du chef du gouvernement.

En ce qui concerne l’article le plus bouleversant consacré à la mort de Boris Nemtsov , il a été publié par le journal « Les Echos ». Les journalistes, en visitant les lieux de la tragédie, ont découvert au milieu d’un amas de fleurs, un aveu pas indifférent sur le grand pont près du Kremlin : une petite feuille A4 où était inscrit à la main : « Je suis Nemtsov » .

A ce propos, hier à Moscou, à Saint-Pétersbourg et dans de nombreuses autres villes russes ont eu lieu plusieurs marches organisées en hommage à l’opposant. Selon les communiqués de presse, à Moscou entre 20 000 et 60 000 personnes auraient participé à cette marche. Aucun débordement ou accident grave n’ont été enregistrés en ce jour.

Ce sera tout pour aujourd’hui. C'était Catherine Océan dans les studios de « l’Observateur russe». Vous en saurez plus au sujet de l’évolution des événements et des débats les plus discutés dans la presse française d’ici une semaine, dans une nouvelle présentation vidéo.