Pour l’ « Observateur russe », Ivan Blot, célèbre politologue et historien français, ancien député de l’Assemblée nationale et du Parlement européen, répond à nos questions.

— C’est le résultat d’un long processus qui tirent ses racines du le célèbre géopoliticien, Zbigniew Brzezinski. Il soutient que la plus grande menace pour les Etats-Unis serait l’union du continent eurasien qui mettrait au défi l’hégémonie américaine. Dans son livre « Le grand échiquier », il exhorte de réussir à opposer la Russie à l’Europe occidentale. Au final, c’est justement cette idée, dont le procédé fut long, et qui a conduit à la situation actuelle, qui a non seulement causé du tort à la Russie, mais aussi à l’Europe occidentale. Cette dernière à besoin de l'aide de Moscou pour faire face à la puissance américaine – c’était l’approche du Général De Gaulle. Washington est à proprement dit responsable de la crise qui a éclaté en Ukraine. Ce même Brzezinski proposait de retirer l’Ukraine de la Russie, afin d’empêcher la Russie de rester une grande puissance.

— À qui la crise en Ukraine est-elle profitable ?

— En tout cas, pas aux Européens. Elle déstabilise la situation sur « le Vieux continent » et flanque une grande claque au commerce. La crise est, au contraire, utile au complexe militaro-industriel américain. De son temps, José Manuel Barrozo, chef de la Commission européenne, a déclaré à Kiev, qu’elle ne pouvait pas à la fois prendre part à l’Union douanière Russie-Biélorussie-Kazakhstan et entrer dans la zone du commerce libre de l’Union Européenne. Quelle erreur ! Les Ukrainiens ont été contraints à choisir entre l’Est et l’Ouest, ce qui a définitivement précipité la crise. En effet, l’Ukraine aurait pu jouer un rôle de pont entre l’Est et l’Ouest. Mais tout a été pensé de sorte que le pont soit détruit. Et les Américains y sont pour beaucoup.

— Les accords de Minsk demeureront-ils une réelle base pour l’obtention de la paix en Ukraine ?

— Ce sont de très bons accords. Avant tout parce qu’ils visent le rétablissement de la paix, le retrait des armes et l’échange de prisonniers. Ils proposent d’apporter des changements dans la constitution ukrainienne ainsi que la fédéralisation du pays. Un autre point positif est que les documents sont signés par les Européens et non pas par les Américains. C'est pour cette simple raison que ces accords ne plaisaient pas aux Américains.

— Comment estimez-vous les chances que Kiev résolve ses problèmes économiques et politiques ?

— La situation économique en Ukraine est extrêmement grave. En dépit de toutes leurs promesses, les Européens n’ont aucunement l’intention de débourser un centime. La situation politique n’est pas en reste. Quand vous vous unissez avec des extrémistes, des éléments fascistes, vous tombez sous leur joug. En Ukraine, les civils sont en danger. De ce que j’ai pu comprendre, Poroshenko en personne, craint pour sa propre sécurité.

— Qu’attend le martyr « Mistral » ?

— Les mauvaises langues soutiennent que François Hollande est incapable de prendre une décision dans les situations difficiles et, comme toujours, essaie de trouver un compromis. Le refus de livrer les « Mistral » à la Russie entraîne une révolte sur les chantiers navals de Saint-Nazaire, où tous sont mécontents, car cela amène à l’augmentation du nombre de chômeurs et à la perte d’une partie du marché de l’armement. S’il fournit les « Mistral » à Moscou, cela soulèvera le mécontentement de Washington. Le Président aimerait éviter chacune de ces situations.

— Quels sont, selon vous, les principaux résultats de la présidence de Poutine ?

— En premier lieu, il a réussi à stabiliser la situation du pays. Le second point positif est relatif à l’économie. Le niveau de vie en Russie a grandement augmenté. Poutine a aussi rendu aux Russes le sentiment de fierté du pays. Le sentiment patriotique s’est renforcé, grâce au rattachement de la Crimée. Le patriotisme aide à cimenter les peuples vivant en Russie. Poutine a rétabli l’armée russe, nos militaires l’admirent. C’est pourquoi en France, quelques militants, et j’en fais partie, comparent Poutine au Général de Gaulle. La France, qu’elle ait été une monarchie ou une république, a toujours été fière de son armée. Aujourd’hui, notre pays est dans un tel état, qu’une rébellion a failli éclater. Je connais beaucoup de généraux français, indignés face aux actions du gouvernement, qui, par soucis économiques, détruisent les forces armées.

— Le célèbre écrivain et académicien Max Gallo se plaint de l’absence de patriotisme en France.

— Nous avons été patriotes jusqu’à la Première Guerre mondiale. Ensuite, le patriotisme a fortement chuté et s’est écroulé dans les années 70, quand les pertes des valeurs traditionnelles sont apparues : celle de la famille, de la patrie… De nos jours, le patriotisme chez nous est assez faible, mais une partie de la jeunesse commence à le réhabiliter. Elle voit que la France subit une invasion étrangère. Dans les banlieues parisiennes, la situation est dramatique au plus haut point. Des inscriptions telles que, « Mort aux français ! » , « Nous méprisons les français ! » , apparaissent sur les murs. Les descendants d’immigrants vivent en France, mais se sentent algériens ou marocains. Le système éducatif y est pour beaucoup. Quand il y a beaucoup d’immigrés dans un pays, il faut être encore plus patriotique qu’auparavant. Notre politique à l’égard des musulmans a complétement échoué.

— Un de vos livres s’intitule « La colonisation de l’Europe ». Qui l’a donc colonisé ?

— Il y a quatre formes de colonisation. La première : la politique militaire provenant droit des Etats-Unis. N’oublions pas, qu’à l’OTAN, c’est Washington qui dirige. Durant son premier mandat présidentiel, Jacques Chirac avait tenté d’obtenir à la France le commandement de la branche sud de l’OTAN. Les Américains n’ont pas été d’accord, car ils souhaitaient absolument tout contrôler. La deuxième colonisation est culturelle. Hollywood exerce ici une grande influence, ce qui pourrait même tuer notre cinéma. La troisième colonisation : l’économie, liée au dollar et à l’industrie américaine. La banque française « BNP Paribas » a dû rembourser aux Américains des amendes colossales (pour le viol des sanctions des Etats-Unis en rapport à Cuba, à l’Iran et au Soudan, NDLR.). La quatrième colonisation est consituée des migrants d’anciennes colonies françaises qui arrivent ici.