Quand les maréchaux français se pressaient autour de la croix russe
Les éditions Flammarion viennent de publier « Un tsar à Paris » de Marie-Pierre Rey.
C'est une brillante historienne, professeur à Paris 1 Panthéon-Sorbonne. A son actif, d'autres ouvrages comme « Le dilemme russe: la Russie et l'Europe occidentale d'Ivan le Terrible à Boris Eltsine », « Alexandre 1er, le tsar qui vainquit Napoléon », « L'effroyable tragédie, une nouvelle histoire de la campagne de Russie », ouvrage primé par le fonds Napoléon.
L'autocrate russe, à la tête de son armée, passa 65 jours sur les rives de la Seine, du 31 mars au 2 juin 2014. C'est un des moments clé de l'histoire russe, française et européenne. Il faut remonter à 1717 et à la présence en mai-juin à Paris de Pierre le Grand, pour voir un tsar russe en France.
Notre monarque fut accueilli très chaleureusement par la foule qui l'attendait sur la place de la Madeleine, où il fit son premier arrêt, accompagné du roi de Prusse. Pour cette foule en liesse, il n'y avait ni vainqueurs, ni vaincus, témoignent les contemporains. Elle s'adressait à lui, lui demandait de régner sur la France ou, au moins, de trouver un souverain aussi talentueux que lui. N'est-ce pas étonnant ?
L'empereur commanda un service religieux sur la Place de la Concorde en hommage au roi Louis XVI, qui y avait été décapité. Le service se déroula le 10 avril, jour de Pâques, la Pâque orthodoxe et catholique tombant le même jour. Plus tard, le tsar raconta: « il était amusant de voir ces maréchaux français, une kyrielle de généraux français se bousculer autour de la croix russe et se pousser du coude pour être introduit auprès du tsar .»
Impérial, il fit libérer des milliers de soldats français, enfermés depuis 1812 . Il amnistia des polonais qui avaient combattu dans l'armada napoléonienne. Et Marie-Pierre Rey de souligner : « bientôt Paris fut saisi d'une véritable alexandromanie ! »
Talleyrand organisa à l'Opéra une soirée de gala en l'honneur du tsar et le public, enthousiaste, poussa des « Vivat Alexandre ! Vivat le roi des rois ! »
Hôte désiré partout, le tsar de Russie fut remercié par l'Académie Française d' « avoir tendu une main secourable » et généreuse aux Français.
L'écrivain académicien Abel-François Villemain le compara à l'empereur philosophe romain Marc-Aurèle. Il rencontra tous les écrivains importants, Madame de Stael, Benjamin Constant, et le naturaliste Geoges-Léopold Cuvier.
Certains essayaient d'obtenir du tsar une promotion accélérée de leur carrière, d'autres tentaient de recevoir de l'argent, d'autres encore une médaille ou tout signe de distinction. Et tous se disaient russophiles. René François de Chateaubriand, le grand poète et écrivain, futur ministre des affaires étrangères, déclarait « toute distinction russe me rendra heureux ». Pourtant, il ne la reçut que bien plus tard, en 1822, quand le tsar Alexandre 1er le décora au Congrès de la Sainte Alliance à Vérone.
Fiodor Glinka, officier présent à Paris, témoigne, dans un de ses opéras, de la vie des soldats russes :
« Le cheval des steppes se désaltère dans la Seine, tenu par un kalmouk, un soldat russe monte la garde aux Tuileries, et son épée brille comme à la maison. Le Russe vit paisiblement, après avoir pollué les champs avec de la mitraille, il pollue maintenant la vive langue française par l'or russe. »
L'or russe, justement, est partout : il pollue restaurants, théâtres et bordels. Et c'est à Paris que les officiers russes ont découvert la ruineuse roulette russe. Ils fréquentent les « prêtresses de l'amour » et y contractent les maladies vénériennes.
Pendant ce temps les Français espéraient en la miséricorde des vainqueurs. Comptant sur le soutien du tsar, Louis VXIII nommait comme premier ministre et ministre des affaires étrangères le duc de Richelieu, gouverneur d'Odessa. Celui là même qui avait trouvé refuge en Russie l'année de la Révolution Française. Pendant 12 ans, il développa Odessa, assurant son rayonnement. Le comte Mikhaïl Vorontsov, qui commandait les garnisons russes d'occupation à Paris a écrit:« avec ce Richelieu, la France a eu, ce qu'elle n'a pas eu depuis 100 ans, un ministre honnête ».
Marie-Pierre Rey souligne qu'« en adepte du libéralisme », Alexandre avait obtenu des Bourbons qu'ils respectent les libertés individuelles et éditent une charte Constitutionnelle, qui fut active jusqu'en 1830. Le tsar avait prévenu : tant que l'engagement ne serait pas pris du respect d'une charte Constitutionnelle, il ne le laisserait pas entrer dans Paris.
Autrement dit, sans la présence des Russes, la Restauration aurait pris un tout autre cours.
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