Le film de René Féret « Anton Tchekhov 1890 » est sorti le 18 mars sur les écrans français.

Le metteur en scène français, âgé de 69 ans, est connu pour son cinéma autobiographique (« Histoire de Paul », « Nannerl, la sœur de Mozart », « Le prochain film »). Tous ses films se distinguent par un jeu d’acteur de qualité, la diversité des costumes et le souci de reconstituer de manière presque absolue une époque, jusque dans ses moindres détails.

Le choix de faire un film sur la vie de l’écrivain russe ne relève pas du hasard. Comme le reconnaît lui-même René Féret, « Tchekhov est pour moi une icône. C’est un champion. Malgré cette distance qui nous sépare, je me sens proche de lui, plein d’affinités. Nous venons tous deux de la province, nous avons grandi dans des familles modestes. Après avoir terminé ses études en médecine, Tchekhov commence à exercer en tant que médecin. Ses premiers textes lui rapportent un peu d’argent, suffisamment pour financer les études de ses frères cadets. De mon côté, à l’âge de quinze ans, je rencontre par hasard le théâtre. Je rejoins une troupe d’amateurs qui joue les comédies du jeune Tchekhov, dont les pièces en un acte : « L’Our s », « La Demande en mariage ». A dix-huit ans, je suis reçu à l’école d’acteurs du Théâtre National de Strasbourg.

Tchekhov, qui commence à devenir connu, perd son frère, âgé de 30 ans, de la tuberculose. Mon père meurt d’un cancer quand je suis à Strasbourg.

Photo: www.reneferet.com

Tchekhov qui a cessé de croire en son « utilité pour la société » en tant qu’écrivain, prend le chemin de l’île Sakhaline, une île dont lui a parlé son frère Nikolai. Il s’y rend seul, pour s’y faire le témoin des souffrances des prisonniers dans les camps. Après la mort de mon père, j’ai séjourné en hôpital psychiatrique, dont, selon les dires des médecins, je ne devais jamais sortir.

Tchekhov revient de Sakhaline transformé et « guéri ». De même, je quitte les murs de l’hôpital, toujours acteur mais déjà aussi presque scénariste, avec le désir féroce de partager mon expérience.

Toutes les pensées qui se sont accumulées dans ma tête trouvent, enfin, une application concrète.

Mes premiers pas de metteurs en scène, c’est un mélange de souvenirs autobiographiques et de fiction, inspirée par la réalité. Mon premier film, L’histoire de Paul, reçoit le prix Jean-Vigo. La Steppe de Tchekhov reçoit le prix Pouchkine.

La maladie emporte Tchekhov à 44 ans. Quant à moi, je pense à ma propre mort, si lointaine et si proche… »

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Revenons-en au film. « Anton Tchekhov 1890 », retrace en tout cinq ans de la vie de l’écrivain, 1885—1890. Mais ce sont précisément ces années qui s’avèrent décisives pour lui : grâce à la protection de Souvorine, Tchekhov acquiert une notoriété dans le milieu des écrivains, il écrit ses premières pièces pour le théâtre, perd son frère, prend le chemin de l’île Sakhaline, où il apprend qu’il souffre de la tuberculose…

Le film a été tourné dans la région Limousin, mais les scènes sur l’île Sakhaline ont été tournées en Norvège. Dans son film, René Féret n’est parti en quête ni de l’authenticité absolue, ni de la « russité ». Tous les acteurs parlent un français parfait, le film ne compte pas un seul acteur russe, pas un seul livre, ni une seule inscription en cyrillique. Ce n’est pas cela qui importait au metteur en scène : Il lui importait de montrer l’universalité, l’actualité du talent de Tchékhov dans n’importe quel coin du monde et à toutes les époques.

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La simplicité de Tchekhov, sa retenue, son élégance sont également sensibles chez les acteurs.

René Féret a confié le rôle principal de son film au jeune acteur français de 36 ans, Nicolas Géraud, connu pour ses rôles dans les films « Taken » et « Les Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec». L’acteur raconte comment il a décroché le rôle : « Je déjeunais chez René, il m’a avoué qu’il s’apprêtait enfin à tourner un film sur Tchekhov et m’a donné le scénario. Sur la couverture il y avait un portrait de Tchekhov à 30 ans. Je me suis dit : Mais c’est moi ! Puis René, comme s’il l’avait répété à haut voix : « Ce sera toi ! » ».

L’acteur s’est brillamment acquitté de son rôle, avec retenue et intelligence. Il a réussi à transmettre la proximité touchante de l’écrivain avec sa famille, notamment avec sa sœur Macha, l’intérêt porté à ses patients, qu’il plaçait à certains moments de sa vie plus haut, que « son inutilité d’écrivain » et les relations complexes avec les femmes. Le rôle de Lika Mizinova, l’ami et amante de Tchekhov a été confié à l’étoile montante du cinéma français, la splendide Jenna Thiam, âgée de 24 ans. C’est notamment Lika qui avait servi de prototype à l’héroïne principale de la pièce « La Mouette ». L’un des rôles les plus émouvants du film revient à l’institutrice de Sakhaline, interprétée par la fille du metteur en scène, Marie Féret.

On a envie de comparer le film « Anton Tchekhov 1890 » aux films de Mikhalkov : Comme eux, il prétend à l’honnêteté, l’authenticité, la cohérence, ce à quoi il faut ajouter un jeu d’acteur honorable, à propos duquel Stanislavski n’aurait pas manqué de dire : « je crois ! »

P.S : Les œuvres de Tchekhov ont été publiées en France de son vivant, mais n’y ont acquis un statut culte qu’après la seconde guerre mondiale. Le spectacle « L’oncle Vania », dans une mise en scène associant Jacques Auclert et Esla Triolet, avait connu un énorme succès dans les années 60. Aujourd’hui, les pièces de Tchekhov ne quittent plus le répertoire théâtral de Paris. Le théâtre Odéon se prépare actuellement à la première de « Ivanov » en avril dans une mise en scène de Luc Bondi.