Borgia : pour ou contre
Il y a des noms de famille qui nous évoquent les plus terribles histoires. Les Borgia, des dirigeants romains, sont une dynastie réputée pour cela ou ils l’étaient en réalité (maintenant qui peut vraiment savoir).

Juan de Juanes (vers 1507—1579) Portrait du pape Alexandre VI, 1586 Valence, Cabildo Metropolitano de Valencia. Photo : Francisco Alcántara
Bien sûr, sur le compte des Médicis, protecteurs de Florence, ou des Sforza de Milan l’histoire recueille aussi des péchés non négligeables, mais elle ne dresse pas leurs noms sur une liste noire. Or les Borgia y sont inscrits. Etrangers venus d’Espagne, descendants d’une pauvre mais noble famille féodale du royaume d’Aragon, ils se sont assez rapidement et d’une manière incompréhensible installés durablement au Vatican, devenant les rois non couronnés de Rome.
Nous parlons d’eux parce qu’une exposition leur est consacrée au musée Maillol à Paris. Non pas sur les intrigants perfides mais sur les grands mécènes qu’ils furent. En effet, en mêlant la lumière avec les ténèbres, cette famille admirable a pu s’entourer des meilleurs représentants de l’époque, inégalés alors et encore aujourd’hui.

Altobello Melone (vers 1491—1543) Portrait de gentilhomme (César Borgia ?), 1513 Bergame, Accademia Carrara di Bergamo. Photo : Archivio fotografi co Accademia Carrara
Le Pape Alexandre VI (né Rodrigo Borgia), qui monta sur le trône en 1492, est un personnage central de la famille et de l’exposition à Paris. C’est à lui que l’histoire doit le terme « népotisme ».
Alexandre VI plaça aux postes centraux tous ses neveux et autres parents éloignés. Ce faisant, malgré l’ordre religieux, il eut beaucoup de maîtresses. La plus célèbre était Vannozza Cattanei, donnant au Pape sept ou huit enfants, et peut-être encore plus. Les plus odieux rentreront dans l’histoire : le fils César et la fille Lucrèce.
César Borgia, un Apollon ambitieux, a cherché à conquérir presque toute l’Italie et à la transformer en un royaume puissant.
Cependant, il n’a reculé devant aucune intrigue, aucun meurtre, liquidant tous ceux de ses parents constituant le moindre obstacle dans la réalisation de ses objectifs. Dans le même temps, il prit à son service comme ingénieur militaire un certain Léonard de Vinci et fut même ami avec son subordonné. Et parmi la guilde des artistes, il a choisi Pinturicchio et son jeune élève Raphaël.
D’ailleurs, lorsqu’il travaillait sur son traité « Le Prince » (une édition de 1553 est présentée à l’exposition), Nicolas Machiavel a étudié en détail la figure de César, qu’il utilisa comme exemple fondamental de son texte sur la prise et le maintien du pouvoir et sur les méthodes futures de la conduite de l’Etat.

Alfredo Ravasco (1873—1958) Reliquaire des cheveux de Lucrèce Borgia, 1928 Milan, Pinacoteca Ambrosiana
On ne peut pas qualifier sa sœur Lucrèce Borgia autrement que comme un démon, car la quantité d’affaires sombres qu’on lui a attribuées, est innombrable. Elle a attaqué tout le monde coup sur coup, en commençant par ses deux maris (le troisième a été tué par son frère César) et finissant par l’entourage éloigné. Cependant, l’histoire de ses crimes n’a rassemblé, comme par hasard, aucune preuve solide. Encore moins de sa vie de débauchée, ou de ses relations incestueuses avec son père cardinal. Mais la rumeur est plus forte que les faits et l’image de diablesse la collera toujours.
A côté de ces péchés mortels, elle était réputée pour être une dame distinguée et instruite de la Renaissance. Les ambassadeurs de l’époque à Rome le certifient. Ils furent frappés par sa « décence », « sa tenue », ses « talents ».
A Ferrare, en l’absence de son mari, elle a gouverné adroitement le duché, fait venir à la cour des célèbres humanistes et commandé des œuvres de Titien. Elle a connu Michel-Ange et Le Corrège.
Les opinions divergent sur l’apparence de Lucrèce. Avec le portrait de Bartolomeo Veneto, on voit une dame aux cheveux noirs, mais à l’étage supérieur de l’exposition, dans un reliquaire transparent, se trouve une mèche blonde attribuée à Lucrèce.
Dans l’exposition à côté des portraits des Borgia, le profil de Savonarole peint par Fra Bartolomeo. En effet, on estime que le régime débauché de cette famille a grandement favorisé la naissance de la Réforme.
Au 19ème siècle Victor Hugo et Alexandre Dumas ont écrit sur les Borgia, au 20ème on a dessiné des bandes-dessinés en Europe et un manga au Japon. Pour les films, on a cousu des costumes somptueux, à la hauteur de personnes vraiment couronnées. Des réalisateurs célèbres ont tourné des biopics, parmi lesquels Christian-Jaque.
Au Musée Maillol, jusqu’au 15 février 2015.
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