Un miracle au Nouvel An
Nous avons bien grandi depuis les culottes courtes, et nous n’attendons plus depuis longtemps le Père Noël avec ses paquets crépitants sous la cheminée. Mais on ne sait pour quelle raison la Nouvelle Année allume soudainement quelque part au fond de nous une étincelle d’attente de quelque chose d’agréable, d’extraordinaire. Et malgré le scepticisme, accumulé au fil des ans, et le tourbillon de l’agitation de l’approche des vacances, le réflexe de l’enfance se déclenche – à la Nouvelle Année, se passera un miracle...
Il y a deux ans fin décembre, au Nouvel An même, j’étais par hasard tombée au Musée des Arts forains où j’ai enfin ressenti l’apparition du miracle que j’attendais depuis longtemps : j’ai découvert une machine à remonter le temps, elle m’a arrachée à la prose du train-train quotidien et, dans un tourbillon, m’a emmenée dans une autre époque. L’atmosphère du mystère régnait entre ces murs étranges, insolites.
Quiconque s’y rendait, oubliait son âge et s’amusait comme un enfant, en tournant sur les manèges, pédalant afin de faire tourner l’imposant carrousel, jouait à des jeux farfelus, tirait la tête, tel un gosse, lorsqu’il perdait et, demeurait bouche bée, en regardant le spectacle des magiciens, en écoutant des airs d’opéra exécutées par d’étranges figures et la musique coulant de l’immense orgue de Barbarie...
Ce musée est consacré à l’art forain, aux kermesses folkloriques, aux baraques de saltimbanques, aux manèges, aux fêtes de rue et aux loisirs du 19ème siècle et du début du 20ème siècle. Dans un grand pavillon du musée figure un carrousel-salon. Ainsi appelait-on ces installations, apparues au début de l’époque industrielle en Europe quand les gens commencèrent à quitter les villages et se déplacer vers les villes, la majorité de celles-ci furent construites dans les usines. Et s’il n’était pas encore question de congés, en revanche on a standardisé la journée de travail, les gens avaient donc le temps et l’argent pour la détente et le divertissement.
Ceux-ci étaient d’immenses pavillons, où les visiteurs s’asseyaient sur des cheveux de bois, dans des gondoles vénitiennes, qui les faisaient tourner et les transportaient hors des lieux habituels, par la force de l’imagination et du rêve. La décoration intérieure avec des miroirs insensés, avec des lumières spéciales intensifiait la sensation de glissement dans un monde imaginaire magnifique.
Les premiers carrousels étaient prévus pour les adultes, il n’était donc pas question du divertissement des enfants. Dans un carrousel-salon, il était possible de jouer à divers jeux amusants, s’exercer au tir forain, lancer un ballon sur la tête d’un « gendarme » honni et même recevoir pour cela un paquet de sucre, avec des sucreries. Ici il était possible de se reposer, de dîner, de boire une tasse de café ou de thé, d’écouter la musique en vogue.
Les carrousels-salons allaient de ville en ville, installés sur les places les plus fréquentées, à côté des énormes foires, bazars, où la population de tout le coin s’accumule pour faire des emplettes, regarder les spectacles d’artistes de rue, acheter du pain d’épice, ou encore, pour voir les gens et se montrer soi-même, apprendre ce qui se passe autre part, ou pour savoir ce qui est à la mode en ce moment dans la capitale et quels chapeaux portent les Parisiennes. Tout cela, on pouvait l’apprendre des peintures sur les murs du carrousel-salon.
Les propriétaires, les travailleurs des carrousels et des attractions diverses étaient appelés forains – du mot latin « foranus », une personne venant de l’extérieur ou quelqu’un qui travaille à la foire, aux marchés, aux attractions. Pour répondre aux goûts changeants des gens, les forains renouvelaient leur carrousel, le modernisait, le repeignait, remplaçaient sur la mécanique les chevaux de bois par des cochons, des coqs et autres animaux.
Au Musée, nous avons roulé sur un carrousel écologique très inhabituel de 1897 à bicyclette, il ne tourne que si les visiteurs pédalent. Sa structure métallique de 2,5 tonnes va plus vite qu’un carrousel moderne. Dans un autre pavillon, qui transporte les visiteurs à Venise – la ville est un vieux symbole de divertissement, il est possible de tourner sur un carrousel à 18 volts sur des gondoles, et ensuite d’écouter des airs d’opéras italiens exécutés par… des automates, représentant des personnages célèbres. Dans le pavillon intitulé le « Théâtre du Merveilleux », l’atmosphère du mystère vous enveloppe encore plus. La grotte de la Licorne, un écran avec des prédictions d’un astrologue, une « montgolfière » soulevant un éléphant illuminé sont présentés dans le but d’emporter le visiteur encore plus loin dans le monde du rêve. Soudainement éclate une valse de Chostakovitch, des instruments musicaux commencent à jouer sans musiciens…
Le mot d’ordre du musée, à mon avis, ne correspond pas à cette institution insolite. Les objets exposés ici ne sont pas protégés par des vitrines en verre, il n’y a aucun panneau. Les visiteurs s’installent sur les objets exposés, touchent tout avec leurs mains. Et il faut dire, que tous ces objets ici sont tous authentiques, ayant été fabriqués de 1850 à 1930. Le Musée a été créé par Jean-Paul Favand – un collectionneur passionné d’antiquités, un concepteur, président de plusieurs grosses entreprises, créateur de la galerie le Louvre des Antiquaires, et de la compagnie Tribulum d’achat et de vente d’œuvres d’arts. Il y a 40 ans il possédait quelques chevaux de bois d’un vieux carrousel. Il a voulu connaître leur histoire et ainsi il s’est ouvert au monde des fêtes foraines, que personne ne prenait au sérieux. Personne, sauf lui, parce que dans son âme il était et reste un peu acteur et il aime les transformations mystérieuses. Il a commencé à rassembler dans le monde entier tout ce qui concerne les célébrations populaires.
La collection s’agrandissait, les objets, habitués à entendre le rire des gens, devenaient tristes dans leurs grandes boîtes. Jean-Paul Favand a décidé de leur donner une nouvelle vie. En 1996, il a acheté une partie des anciennes caves à vins à Bercy, il a transporté sa collection et avec l’aide de spécialistes a créé ce musée-théâtre. Par ailleurs, l’atmosphère des fêtes a depuis longtemps été associée au site de Bercy qui se trouvait en dehors des limites de la ville. Les Parisiens y allaient prendre du bon temps, car les vins, stockés dans les entrepôts de la Seine, n’étaient pas imposables et coûtaient moins cher. Ainsi les murs rugueux des entrepôts de vins de Bercy, depuis longtemps imprégnés de l’atmosphère festive, sont devenus à nouveau les témoins de l’animation de notre temps.
Le Musée est ouvert uniquement sur commande à des grands groupes, il organise des soirées, des banquets et spectacles. Et ce n’est qu’aux environs du Nouvel An que s’y tient le Festival du Merveilleux, pendant 10 jours les portes sont alors ouvertes à tous. Et non seulement tous les automates, les carrousels sont accessibles, les vieux jeux fonctionnent mais des artistes invités du cirque, du théâtre de rue, des illusionnistes, des marionnettistes effectuent de courtes présentations et captivent le public de tous les âges dans le monde de la fantaisie et du rêve…
Je vous conseille de ne pas manquer cette rencontre avec un véritable miracle.
Le Festival du Merveilleux. Musée des Arts Forains.
Du 26 décembre 2014 au 4 janvier 2015.
De 10h à 18h. Sans réservation.
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Большое спасибо автору за интересную статью, прекрасные фотографии и супер интересный адрес!!
С наступающим Рождеством и Новым годом!
Спасибо за интересную статью, прекрасные фотографии и супер интересный адрес!! Обязятельно сходим
С наступающим Рождеством и Новым годом!
Хорошая статья , сразу захотелось побывать в этой сказке !
Обязательно надо сходить туда .
Клааассс! Опять в Париж захотелось!
автор как всегда на высоте — очень интересный материал! молодец!
Тема статьи очень актуальна в предверии Нового года, хочется вслед за автором отправиться в этот мир сказки, мир чудес. К тому же познавательно: не подозревала, что есть такие музеи, спасибо автору за открытие!
Спасибо за поднятие настроения, в эти декабрьские дни уже начинаешь ощущать праздничное дыхание, замечательные фотографии, и так хочется Театра чудес и немного Парижа.
Классно !