Record mondial de Maillol et Vierny
Lundi 2 décembre. Non loin du palais de l’Elysée, dans les salles du luxueux hôtel particulier où est installé Artcurial, l’une des plus importantes maisons de vente aux enchères de France, le public flâne. Assurément, ceux qui visitent de tels endroits méritent une description toute particulière. Les dames dans leurs longs manteaux de vison, quand dehors il fait bien cinq degrés au-dessus de zéro, les jeunes bellâtres vêtus de tout ce qu’il y a de plus cher (l’un deux avait tellement inondé ses cheveux de laque qu’ils aveuglaient par leur brillance), les hommes âgés, certains avec leurs impeccables femmes dans la fleur de l’âge, certains avec leurs compagnes aux allures de mannequin. Les étudiants, probablement liés à l’art d’une quelconque manière, qui s’intéressent aux enchères. Les simples amateurs de beaux-arts qui n’ont clairement par l’intention d’acquérir un chef-d’œuvre. Les marchands d’art qui suivent attentivement le cours des ventes ou qui y prennent part. Les simples badauds. Tout cela pourrait donner de la matière à un écrivain professionnel, s’il désirait seulement venir ici.
Tous attendent le début de la prochaine vente, constituée en partie d’œuvres de la collection de Dina Vierny. C’est certainement ce nom qui a principalement attiré l’attention du public sur cette vente aux enchères. Je ne vous cache pas que la présence de L’Observateur Russe n’est pas tant due à la nature des œuvres mises en vente qu’au fait qu’elles appartenaient toutes autrefois à cette femme légendaire.
Née dans une famille juive dans la ville de Chișinău, elle est encore très jeune quand elle émigre avec sa famille en France. Là, à l’âge de quinze ans, elle devient le modèle et la muse du sculpteur de soixante-treize ans, Aristide Maillol, déjà à l’époque un classique affirmé. Dina pose également pour Matisse, Bonnard, Dufy, et lie connaissance avec Aragon, Breton et Duchamp. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le père de Dina meurt à Auschwitz. Elle-même participe activement au mouvement de la Résistance en aidant des réfugiés à passer la frontière de l'Espagne. C’est grâce à la forte implication de Maillol dans sa vie qu’elle échappe au sort de son père. Maillol lui lègue toute sa fortune, sa collection et ses œuvres. Trois ans après la mort tragique du sculpteur, Dina ouvre une galerie d’art dans le VIe arrondissement de Paris, rue Jacob. Elle consacre sa vie à diffuser l'œuvre de Maillol. Elle offre à l’Etat français des sculptures de l’artiste qui seront, grâce à elle, exposées dans le Jardin des Tuileries. En 1995, elle fonde le Musée Maillol — Fondation Dina Vierny qui accueille encore aujourd’hui un large public.
Vierny collectionne également des œuvres d’art soviétiques non officielles. Elle connait, voire même est l’amie, d’Erik Bulatov, Mikhail Chemiakine, Ilia Kabakov, Oscar Rabin et bien d’autres encore. Parmi les passions de la muse de Maillol nous pouvons citer son imposante collection de poupées anciennes et son amour exclusif pour la musique russe blatnoy (musique des truands). En 1975, elle enregistre même un disque, dans lequel elle interprète des chansons de camp et des chansons blatnoy, qui n’est pas réédité par la suite.
Après la mort de Dina, la direction de sa fondation est reprise par ses fils : Bertrand Lorquin, critique d’art et auteur des catalogues d’œuvres de Maillol, et Olivier Lorquin, homme de lettres et directeur de la fondation. Ce sont eux qui décident de mettre aux enchères une partie des œuvres de la collection de leur mère après avoir choisi celles qui représentent les étapes importantes de la vie de celle-ci : les œuvres de Matisse, Maillol et Dufy ainsi que les toiles de Kabakov et Bulatov. Ce n’est pas la première fois que des œuvres rassemblées par Vierny sont à l’encan : en 1995, lors d’une vente aux enchères de Sotheby’s, une partie de sa collection est partie en un coup de marteau.
Pourtant, cette vente aux enchères a immédiatement battu plusieurs records. Premièrement, elle a établi le record absolu du prix de vente d’une œuvre de Maillol. En effet, sa sculpture La Rivière (1938-43), pour laquelle Dina a servi de modèle, moulée dans les années soixante-dix, est partie en Amérique pour la somme faramineuse de six millions et quelques d’euros (pour une estimation initiale entre deux et trois millions). La lutte pour cette œuvre a été intense, l’adrénaline est montée jusque dans le public de cette bataille d’enchères. Il faut reconnaître que l'on ne voit pas ça tous les jours : à chaque nouvelle offre, quelqu’un surenchérissait de 100 000 euros. Le précédent record du prix de vente d’une sculpture de Maillol date de 2000, quand son œuvre L’Air a été vendue pour environ 2 200 000 euros lors d’une vente aux enchères de Sotheby’s à New-York.
Une étude au pastel pour La Rivière (1938) a également battu un record du monde. Elle est partie aux Etats-Unis pour 584 000 euros (deux fois plus que l’estimation initiale), devenant le dessin le plus cher jamais vendu de Maillol (le record précédent pour un dessin du maître avait été enregistré en 1992 et s’élevait à environ 369 000 euros). C’est aussi aux Etats-Unis que la sculpture de Maillol, l’Harmonie, est partie pour une somme à peine inférieure à 597 000 euros.
Les autres œuvres de la collection ont aussi eu du succès. Quatre dessins de Matisse se sont vendus pour environ quatre fois plus que l’estimation initiale : Dina à la couverture fleurie (1941, environ 188 000 euros), Dina au bracelet, (1945, 162 900 euros), Dina, torse (1949, 162 900 euros) et Dina couchée (1941, 150 500 euros). Cependant, le croquis si touchant et plein de vie de Dina, assise sur un divan, la tête posée sur sa main, posant pour Raoul Dufy (Portrait de Dina, non daté), n’a pas dépassé l’estimation initiale de 8-12 000 euros.
En revanche, Erik Bulatov et Ilia Kabakov ont été à la hauteur. Liberté II, une toile de Bulatov créée en 1992, est partie pour un million et des poussières et l’œuvre de Kabakov, Regarde-la!, 1982, a été emportée pour 249 600 euros (pour une estimation initiale de 60-80 000).
Ainsi, le coût total des dix œuvres choisies par les héritiers de Dina Vierny pour cette vente aux enchères s’élève à 9 326 800 euros. Beaucoup d’entre elles ont été exposées dans des musées ou ont fait l'objet de revues scientifiques, ce qui, naturellement, ne pouvait pas ne pas influencer leur estimation initiale. Toutefois, même les experts ne pouvaient prévoir le succès vertigineux de cette vente aux enchères. Même après sa mort, Dina établit encore de nouveaux records en l’honneur de Maillol.
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Картина Эдварда Хоппера «Восточный ветер над Уихоукеном» на нью-йоркском аукционе Christie's,ушла с молотка за 40,5 миллиона долларов при предварительной оценке в 22-28 миллионов.
Нынешний аукцион поставил рекорд именно по стоимости работ Майоля. Так сказать, Майоль превзошел самого себя.
Hfy,it d музее Майоля в подвале были советские нон-конформисты. Сейчас там ре6сторан, где а меню биточки «Dina». борщ «Poliakoff», скледка «Tabinskaya»
Все прочее спагетти.
Sorry за опечатку:
селедка «Rabinskaya»