Force est de reconnaître qu’en plusieurs décennies, jamais une vente aux enchères parisienne n’avait autant attiré l’attention en Russie que celle qui va se dérouler le 25 novembre à l’hôtel Drouot. Ce jour-là, le cabinet d’expertise Kapandji Morhange va mettre en vente 160 objets ayant appartenu à la célèbre actrice Marina Vlady.

Маска в руках Эли Моранж | Le masque mortuaire dans les mains de Kapandji Morhange

Les pièces qui éveilleront le plus l’intérêt seront sans aucun doute le masque mortuaire de Vladimir Vyssotski, estimé entre 30 et 50 mille euros et la dédicace de son dernier poème estimé entre 10 et 15 mille euros.
Il y a quelques jours, cette nouvelle a provoqué de vives réactions en Russie.
Quelques médias ont sans tarder accusé Marina Vlady de cupidité, disant qu’elle souhaitait s’enrichir sur la mémoire de son grand mari. De son côté, l’ancien directeur du théâtre de la Taganka, Nicolaï Dupak, a invité l’actrice à retirer le masque de la vente afin d’en faire don au théâtre de la Taganka.

Le directeur de la « Maison Vyssotski », Nikita Vyssotski, s’est montré plus mesuré dans ses propos. Il a indiqué qu’il cherchait le moyen de récupérer l’autographe contenant les célèbres vers, dédiés à Marina :

J’ai moins d’un demi-siècle – un peu plus de quarante ans
Je suis en vie, douze ans que je me consacre à toi et au Seigneur
J’ai de quoi chanter, me présenter devant le Tout-Puissant
Et me justifier devant lui

Le poète lui laissa ces vers au moment où il quitta Paris, le 11 juin 1980.

Selon toute vraisemblance, Nikita compte autant sur la collaboration du Ministère russe de la culture, que sur celle de puissants mécènes. Ou plutôt non seulement des mécènes, mais aussi des inconditionnels du poète, qui seraient prêts, avec la plus grande joie, à prendre part à cette affaire.

Contre toute attente, à Moscou, la seconde femme du poète, Liudmila Abramova, mère de ses deux garçons, a volé au secours de la star de cinéma. Elle a décidé avec beaucoup d’émotion de soutenir Marina :

« Excusez-moi, mais il faut bien se nourrir et aider ses enfants, qui sont aussi dans le besoin. Elle a tout conservé, n’a pas brûlé ni jeté un seul de ses manuscrits. Et pourtant, les exemples de femmes de personnalités célèbres qui ont brûlé leurs journaux intimes ne manquent pas. Je n’ai pas du tout envie de nuire à Marina… Depuis quelques jours, j’ai terriblement mal pour elle et tout ce qui se passe. Et je ne lui suis d’aucun secours. »

N’oublions pas qu’il existe trois masques mortuaires de Vissotsky. Dans les commentaires adjacents au catalogue de la vente, en cours d’impression, on pourra lire les mots de Marina Vlady elle-même : « Pendant douze ans, à Rome, j’ai appris à faire des moulages en plâtre. C’est pour cela que j’ai pu moi-même faire le masque mortuaire de Volodia. »

Икона, подаренная на свадьбу |L’icône, cadeau de mariage

Malgré le caractère imprévisible des enchères, l’expert Eli Morange, qui conduira la vente, ajoute: « Ce masque constituera le cœur de lutte de la vente. » Il se souvient comment, il y a quelques années, il a vendu un insigne russe très ancien. Le prix de départ était de 5 mille euros, et il est parti pour 3 millions d’euros ! C’est pourquoi cette fois-là aussi des surprises sont possibles.
A vrai dire, seuls le masque mortuaire et la dédicace ont un rapport direct avec Vyssotski. Le reste des lots est constitué de photos, de tableaux, d’icônes, de sculptures, de lithographies, de livres et d’objets personnels appartenant à Marina Vlady.

Seront proposés aux enchères une vingtaine de travaux d’un ami proche de Vyssotski – le célèbre artiste Mikhaïl Chemiakine. Il s’agit essentiellement de lithographies dédicacées, estimées entre 300 et 600 euros, et d’une aquarelle estimée à 2000—3000 euros.

On trouvera beaucoup de photos issues d’albums de famille. Il y aura même une montre « Cartier » que le second mari de Marina Vlady, l’aviateur Jean-Claude Brouillet, avait offert à Vladimir à Tahiti.
L’actrice a même légué aux enchères ses cadeaux de mariage – des icônes, deux carafes à vin et … un petit buste de Lénine. C’est le capitaine du bateau « Géorgie », sur lequel les deux jeunes mariés avaient fait leur voyage de noce sur la Mer Noire, qui le leur avait offert.

Les admirateurs de l’actrice pourront acheter des livres de sa bibliothèque : par exemple, les œuvres de Molière en huit tomes ou celles de Marivaux en sept. Ou bien se procurer un Samovar de Tula du 19ème siècle, signé « Ivan Minaïev ».

Ce samovar est particulier car il est resté sur scène tout au long des 250 représentations des « Trois sœurs » de Tchekhov, dans lesquelles Marina et ses sœurs ont joué en 1967 au théâtre Hébertot.

L’actrice explique sa décision de mettre ces objets en vente non par des considérations matérielles, mais parce que, explique-t-elle, les objets n’ont jamais eu de valeur à ses yeux. En outre, elle déménage de la grande maison dans laquelle elle a vécu 60 ans, à Maisons-Laffitte, pour un petit appartement d’Ivry-sur-Seine.
Ainsi, elle tourne encore une page de sa vie. Elle continue de tourner pour la télévision et le cinéma et peut-être jouera-t-elle à nouveau sur scène.

« Je resterai actrice jusqu’à mon dernier souffle. » — c’est sur ces mots que Marina Vlady termine son autobiographie, 24 images/ seconde.