Qui a besoin des Jeux paralympiques ?
A Sotchi, les tant attendus Jeux olympiques se sont achevés, et ces épreuves n’ont probablement jamais autant agité la presse occidentale. Les journalistes se sont intéressés à tout, du prix de construction de chacun des sites sportifs chiffré en milliard, jusqu’à la couleur de l’eau dans les conduits et jusqu’aux toilettes des hôtels de la ville.
On pourrait discuter longtemps, et probablement en vain, sur l’interprétation des Jeux olympiques de Sotchi mais toujours est-il que cette olympiade n’est précisément pas passée inaperçue. Mais voilà, ces deux semaines de compétitions sont derrière nous ; la mascotte de Sotchi, Mishka, a éteint la flamme olympique sous la mélodie nostalgique « Au revoir, Moscou ! » en promettant de revenir sans faute ; et les médias se sont déjà préparés à faire le bilan des Jeux olympiques d’hiver 2014.
Mais jusqu’à ce jour, Sotchi reste ville olympique puisque le 7 mars débuteront les Jeux paralympiques. On peut alors se demander : la presse suivra-t-elle aussi attentivement leur évolution et comptera-t-elle aussi scrupuleusement les médailles des sportifs, comme elle l’a fait avec les sportifs des Jeux olympiques ?
Le 1er mars, plus de 1500 sportifs sont venus dans les villages olympiques de Sotchi pour entamer les préparatifs des Jeux paralympiques. Le relais de la flamme paralympique a déjà eu lieu (le 26 février) mais aucun de ces événements n’a reçu la publicité qu’il méritait.
Sur FranceTV Info, les journalistes se sont contentés d’une vidéo d’amateur de 20 secondes, mais quand bien même, cette petite nouvelle est passée au second plan face à une « information sensationnelle » : on soupçonne les sportifs russes de s’être dopés au gaz. Certes, cette courte vidéo amatrice, dans laquelle quelques personnes entourent le sportif paralympique qui porte la flamme, contraste fortement avec les prises de vues grandioses du début du relais de la flamme olympique aux Jeux olympiques d’hiver de Sotchi. L’Equipe, un journal sportif français quotidien, ne se hâte pas de parler à ses lecteurs des imminents Jeux paralympiques, toutefois, il est intéressant de noter qu’il y a peu, le journal a mis en ligne un projet documentaire sur les sportifs paralympiques appelé « Hors normes ».
Le projet qui vaut de l’or
De tels projets, diffusés par bribes sur Internet, de rares articles et des reportages à la télévision sur les sportifs handicapés valent aujourd’hui de l’or. Mais malheureusement, dans la majorité des cas, ils passent inaperçus pour le grand public. Cependant, ces publications comptent beaucoup pour les athlètes handicapés.
La championne française de tennis en fauteuil roulant 2012, Pauline Hélouin, occupe actuellement la 25ème place dans le classement mondial. Elle a de beaux yeux lumineux, une voix douce et une volonté de fer – que l’on remarque lorsqu’on voit la force et l’assurance avec lesquelles elle contre les passes de son entraineur, lequel, sur ses deux jambes, arrive à peine à avoir le temps de répondre à Pauline. « Je ne fais pas d’études, raconte la jeune fille. J’ai consacré tout mon temps au sport. Je ne sais pas si je peux parler de temps libre, je n’en ai quasiment pas : je m’entraîne plusieurs heures par jour et le reste du temps je cherche des sponsors. »
Voilà, au fond, la réponse à la question « pourquoi faut-il parler des Jeux paralympiques ? ». En dehors de l’aspect moral et social, il y a un aspect matériel : les mystérieux sponsors et leur argent, dont dépendent les carrières de ces jeunes sportifs handicapés. Pour eux, le sport c’est leur vie. Au sens propre du terme.
« Tout dépend des sponsors, ce sont eux qui payent tout : les billets, l’hôtel et l’équipement. » explique Axel Allétru, jeune nageur handicapé. Sur sa page facebook il se présente ainsi : « Je m’appelle Axel Allétru, j’ai 24 ans et je suis un athlète handisport français. A la recherche de visibilité et de partenaires ». Il est, certes, habitué à donner des interviews aux journalistes, et raconte sans aucune confusion son incroyable histoire avec le sport (elle n’est pas passée inaperçue pour les journalistes de l’Equipe, qui ont consacré une place importante à Axel dans leur projet « Hors normes »). Alors adolescent, Axel devient champion de France junior en cyclisme, puis commence à pratiquer le moto-cross à haut niveau. Mais après un accident lors d’une compétition, Axel perd l’usage de ses jambes. Depuis ce moment-là, il pratique la natation, et envisage de participer aux Jeux paralympiques de Rio de Janeiro en 2016. S’il trouve des sponsors. Et si la presse, enfin, se met à parler du sport paralympique comme d’un sport à part entière, et des sportifs handicapés comme elle parle des sportifs professionnels.
« Voir une personne handicapée à la télévision n’est plus une anomalie »
Sylvain Paillette, nageur et joueur de waterpolo handisport, dirige aujourd’hui la section handisport de l’université de Lille et rédige un travail scientifique quant à l’interprétation des Jeux paralympiques dans le monde entier. Selon lui, les Jeux paralympiques sont pour les journalistes l’occasion de parler à nouveau des problèmes auxquels se heurtent les handicapés, les histoires banales n’intéressant plus les rédactions des journaux et des magazines.
« Le handisport fait partie des ‘petits sports’, comme les sports olympiques qui n’apparaissent qu’au moment des Jeux olympiques, et le handisport aujourd’hui est à ce niveau-là », pense Sylvain. Toutefois, il souligne qu’ « aujourd’hui ce n’est plus une anomalie de voir une personne handicapée à la télé. C’est pas non plus hyper courant mais aujourd’hui c’est moins rare et moins occasionnel qu’avant ».
En 2012, une pétition sur Internet a recueilli plus de 20 mille signatures électroniques. « 16 heures de direct par jour pour les Jeux olympiques. Pas une minute pour les Jeux paralympiques qui débutent fin août. Au Royaume-Uni, la grande chaîne Channel 4 prévoit elle du direct et fait activement la promotion de ces jeux » : ainsi commence l’apostrophe adressée à la direction de France Télévisions, publiée par Benoît Coulon, simple internaute. Face au succès inattendu de cette pétition, la compagnie France Télévisions a du changer sa politique : cette année, le groupe a retransmis plus de 60 heures des Jeux paralympiques de Sotchi sur France 4 ainsi qu’un reportage dans le programme quotidien « Tout le sport » sur France 3. De plus, cette année seront diffusés des documentaires télévisés sur les sportifs handicapés, et sur Internet seront exposées les notes de toutes les compétitions. Il semblerait que ces 20 mille signatures ont finalement persuadé les équipes de télévision que les Jeux paralympiques n’ont pas moins d’importance que les Jeux olympiques.
Toutefois, il est certainement trop tôt pour parler de véritables changements quant à la médiatisation des Jeux paralympiques. Parce que les choix des chaînes dépendent de l’intérêt des téléspectateurs et la question demeure : le public, aujourd’hui, s’intéresse-t-il aux Jeux paralympiques ? Sous la vidéo du relais de la flamme paralympique sur francetvinfo.fr, il n’y a qu’un seul commentaire : « On aura progressé quand les Jeux (olympiques, NDLR) commenceront par les paralympiques… ».
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Ясно, что зрелищный компонент — не самый главный.
Обновление (7 марта) : французские министры отказались от присутствия на открытии Паралимпийских игр. О каком медиа-равенстве и равенстве вообще можно тогда говорить ?
Да уж, нынешним французским министрам лучше всего удаётся выглядеть умными, когда они не делают официальных заявлений.
Лого обеих Игр — детский сад как и реакции европейских политиков. Впрочем, они же ПОлитики.
Паралимпийцы, вы все — герои! Восхищаюсь, преклоняюсь! Хоккеисты — вы настоящие мужчины! «Овечкины» вам в подметки не годятся!