L'exposition boycottée
Le 26 janvier à Paris, le siège de l'UNESCO devait accueillir l'exposition documentaire « L'enfance déportée. Les victimes de l'Holocauste par les yeux des jeunes prisonniers du camp de concentration nazi Salaspils ». Ce qui n'a pas eu lieu, car l'exposition a été interdite. Par qui ? La Lettonie. Pourquoi ? Elle compromettrait la réputation internationale du pays qui préside l'UE cette année.
Est-ce seulement possible, alors qu'il s'agit d'une organisation internationale qui milite, selon l’ambassadeur de la Fédération de Russie auprès de l’UNESCO. E.Mitrofanova, afin que les pages sombres de l'Holocauste soient incluses dans les livres d'histoire de divers pays ?
Dans une interview donnée à « L'Observateur russe », le président de la Fondation « Mémoire historique » Alexandre Dukov, organisateur de l'exposition commente la situation ainsi :
Initialement, l'exposition devait avoir lieu dans le bâtiment principal de l'UNESCO. Le soutien de la Délégation permanente de la Fédération de Russie auprès de l'UNESCO nous a beaucoup aidés. Au jour de l'ouverture de l'exposition, qui devait être le 26 janvier, tout était réglé auprès du secrétariat de l'organisation internationale ainsi que du côté biélorusse, mais c'est alors que les représentants de la délégation de Lettonie sont intervenus. La Lettonie a bloqué le déroulement de l'exposition en une semaine. Il a fallu de toute urgence cherché un nouvel espace, et nous sommes heureux que le Centre de Russie pour la Science et la Culture (CRSC) à Paris nous l'ait présenté.
Le fait est, qu'à partir de janvier 2015, la Lettonie préside à l'UE, et craint que l'exposition puisse nuire à son image. Mais nous avions envoyé par avance à la délégation permanente de Lettonie tous les documents qui sont désormais présentés au CRSC. Je crois que c'est une sorte de douleur fantôme. Notre première exposition à Moscou en 2012 était consacrée aux opérations répressives et à leurs victimes. En ce qui concerne ces victimes, une grande injustice a été commise. En Russie et Biélorussie, ceux qui ont fui et qui se sont cachés dans les forêts n'ont pas le statut de victime de guerre. Ils ne reçoivent ni pension particulière, ni aucune autre forme d'aide. En Lettonie vivent aujourd'hui ceux qui en 1943 avaient été chassés de Biélorussie. Ils ont le statut de prisonnier de guerre et reçoivent une pension. Mais en 1990, ils ont été privés de certains droits civils (politiques et économiques), parce qu'ils sont entrés sur le territoire letton après 1940. Et leurs enfants et petits-enfants héritent de leurs statuts ! Simplement parce que leurs grand-pères avaient été forcés par les allemands de rejoindre la Lettonie. A l'exposition de Moscou, cela avait attiré l'attention, ce qui a provoqué une réaction sauvage de la part de Riga. Le ministère des affaires étrangères de Lettonie avait alors accusé l'exposition de falsification, et moi et mon collègue Vladimir Simindeï nous sommes devenus persona non grata. Aujourd'hui à Paris, c'est le même combat qui continue. La délégation de Lettonie n'a pas pris la peine d'étudier les documents, alors que nous les leurs avions fournis par avance.
L'exposition de Paris est soutenue par le Rassemblement pour l'Organisation de l'Unité Européenne (ROUE). A l'ouverture, le président du ROUE Michel Grimard, a déclaré : « La mémoire ne peut pas s'éteindre. Il s’agit de la déportation d’enfants dans le camp de concentration et d’extermination, Salaspils en Lettonie. Dans ce camp, près de 12 000 enfants périrent, dont certains de moins de 6 ans, préalablement séparés de leur mère».
Regarder les photos de ces jours terribles et écouter les réminiscences des survivants est impossible. Et absolument nécessaire. Pour que la mémoire ne nous quitte pas, pour que l'histoire ne fasse pas demi-tour.
Quel est au fond le sujet de l'exposition ?
Une région transfrontière liant la Russie, la Biélorussie et la Lettonie. Précisément la région qui fut le décor des plus cruelles répressions au temps de la Seconde Guerre mondiale. A partir de 2012, la fondation « Mémoire historique » réunit les informations sur ceux qui ont subi la répression. Elle place les collections des documents d'archive et les témoignages photos sous le feu des projecteurs. Elle prépare une série d'expositions « Enfance déportée ». La première a lieu à Moscou, la seconde, avec l'aide de collègues biélorusses et allemands, à Minsk. A Paris, la troisième devait permettre aux organisateurs de présenter le point de vue des victimes de la répression sur l'Holocauste.
«Ils n'étaient pas uniquement des victimes, ils étaient aussi témoins de meurtres de masse, et ils étaient détenus au camp Salaspils, construite par des juifs, et où les juifs se faisaient éradiqués», raconte Alexandre Dukov. « Nous voulions montrer comment une tragédie en provoque une autre. Mikhaïl Gefter, historien et philosophe russe, disait « Il n'existe pas de génocide contre un peuple. N'importe quel génocide est un génocide contre tous », et c'est la vérité absolue. Nous voyons, comment cela avait commencé par les juifs, et ensuite les crimes nazis se sont propagés à d’autres catégories de population avec la même cruauté, la même ardeur meurtrière.»
Paris accueille des photos de collections privées et d'archives russes, biélorusses, lettones et allemandes, consacrées au camp Salaspils et aux opérations répressives. On peut y voir des familles entières chassées de la ville biélorusse Rosson.
Parmi les photos, une image rare d'une famille déportée, qui par la suite fut séparée. Les enfants sont restés en Lettonie puis retournés à Rosson, tandis que leur mère fut déportée en Allemagne. Sur un autre cliché, des gens fuyants le camp de concentration sont parvenus à rejoindre les partisans dans la forêt. Eux aussi comptent au nombre des victimes de guerres, étant donné que leurs maisons furent brulés, leurs parents tués, et qu'ils vivaient dans des gourbis dans des conditions effroyables.
Il existe un témoignage d'une opération répressive à l'appellation féérique « Comptes d'hiver ». Toutes les photos sont attribuées : il a été clairement établi où et quand chacune d'entre elles a été prise.
Un autre élément important de l'exposition sont les vidéos à la mémoire des victimes de la répression. Elles accumulent des dizaines d'heures d'enregistrements concernant l'Holocauste, accompagnés de sous-titres en français.
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