Deux prix Nobel
Bonjour ! Ici Catherine Océan depuis les studios de « l'Observateur russe ». Comme chaque semaine, je vous parlerai des événements les plus traités cette semaine dans la presse française.
Cette semaine a été l'occasion de deux véritables surprises pour les Français. La France a reçu coup sur coup deux prix Nobel : l'un d'eux a été décerné à Patrick Modiano pour ses mérites dans le domaine littéraire, et le deuxième a été décerné à Jean Tirole dans le domaine de l'économie. C'est le prétexte longtemps attendu par tout le pays pour oublier pendant un moment les problèmes économiques, la menace du terrorisme, l'épidémie « Ebola », la confusion politique et autres thèmes d'actualité.
En effet, au cours de la semaine, les Français se sont souvenus de la littérature et ont discuté d'un sujet élevé : et tout cela grâce à Patrick Modiano, qui est devenu le quinzième écrivain français (après Jean-Paul Sartre, André Gide, Anatole France, Romain Rolland et d'autres) à recevoir la récompense honorifique. « Pour l’art de la mémoire avec lequel il a évoqué les destinées humaines les plus insaisissables et dévoilé le monde de l’Occupation » : tel est le mérite de l'auteur, selon l'avis du Comité Nobel.
Le journal « Libération » n'a pas caché sa joie : dans les articles consacrés à monsieur Modiano, les journalistes ont profité de l'occasion pour en louer les talents littéraires et les réflexions philosophiques. Rien d'étonnant à cela, puisque « Libération », le plus jeune des trois plus grands journaux nationaux, a été fondé avec la participation de Jean-Paul Sartre lui-même. Il est donc tout à fait logique que la rédaction du journal estime nécessaire d'exprimer son point de vue, qui fait autorité, sur la question :
«Les Nobel ont, apparemment, choisi la littérature pure, le murmure plutôt que l’ardeur militante, le balbutiement plutôt que la prose déclarative... » : c'est avec de telles métaphores qu'on explique, au sein de la rédaction de « Libération », le choix du Comité Nobel, qui a préféré l'oeuvre de Modiano aux livres de Philip Roth et de Haruki Murakami. En outre, « Patrick Modiano est traduit en 36 langues (…) Sa carrière est longue, prolifique, régulière, sans fracas (…) ni baisse de tonalité ». Suivent les analyses de la critique littéraire : « Sans être comparable à celle de Proust, [on peut constater que] la recherche modianesque qui se développe depuis environ trente romans et quarante livres n’en concerne pas moins le temps perdu. Disons plutôt un temps troué, dont l’écrivain essaie de rattraper les mailles. Un temps flou et trouble qu’il tente de préciser, sans le juger, tournant autour de noms, de rues parisiennes, qui furent ceux de son enfance et de sa jeunesse, et qui reviennent de livre en livre. C’est un monde d’images et de sensations qui se déroule comme un film noir, avec des personnages louches, comme une filature angoissante dont l’inaboutissement est l’objet même». C'est ainsi que la rédaction de « Libération » parle du talent de Modiano.
Quant au journal « le Monde », il nous livre une biographie de l'auteur français, pourtant familière au lecteur fidèle grâce aux textes largement autobiographiques de Modiano. Son père, Juif de vieille naissance séfarade, s'occupait de négoce, et sa mère était une comédienne flamande. Les parents de Modiano se sont rencontrés en 1942 dans le Paris de l'Occupation. L'atmosphère de cette époque, les rêves, les doutes et les peurs de la génération de ces années difficiles sont aussi devenus, au bout du compte, la quintessence de l'oeuvre de l'écrivain, sa source inépuisable d'inspiration.
«Le Monde » n'hésite pas à exprimer sa sympathie, et même un certain attendrissement, envers Modiano en tant qu'homme et écrivain: «Les livres de Modiano le font d'emblée reconnaître comme un auteur talentueux, l'imposent comme figure literaire incontournable, même s'il n'est guère à l'aise devant les caméras et les micros, multipliant de sa belle voix et cendreuse,les hésitations et les points de suspension — qui lui attirent l'affection du public».
Quelles ont été les réactions du principal intéressé à la réception du prix bien mérité ? C'est la question que s'est posée la rédaction du « Monde ». Le journal rapporte qu'il a trouvé « bizarre » de recevoir le prix Nobel de littérature, et même « irréel ». Le journaliste du « Monde » note d'ailleurs que le mot « bizarre » est presque le favori de Modiano, dont la timidité et la modestie sont légendaires.
En ce qui concerne les aspects pratiques et économiques liés à la victoire de l'homme de lettres français, c'est « le Figaro » qui a décidé de les rappeler. Le journal a publié une sorte d'«Entretien d'un libraire avec un poète », conversation avec les collaborateurs de différentes libraries parisiennes. L'augmentation des ventes est colossale ; les livres de Modiano ont dépassé en quelques jours les ventes de l'oeuvre impérissable de Valérie Trierweiler. L'un des vendeurs du rayon littérature a exprimé sa conviction : « grâce au Nobel de Modiano, nous sommes cette fois les premiers sur le podium face à la littérature étrangère ».
Tout cela ne s'est pas déroulé sans histoires comiques, comme le rapporte le journaliste du « Figaro ». Certains libraires particulièrement entreprenants ont décidé de ruser et d'exposer en vitrine les « talmuds » les plus difficiles à vendre avec la mention « Prix Nobel » inscrite à la main. Vous devinez vous-mêmes le résultat.
C'est tout pour aujourd'hui. C'était Catherine Océan depuis les studios de « l'Observateur russe ». Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine, le 23 octobre.
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Зря возгордились французы: нобелевские премии серьёзные люди не принимают всерьёз.
@Michel: о как
@Michel: а чего бы не погордиться, когда твои соотечественники получают нобелевку, ну вот правда? у вас какие премии имеются? :)
А я так очень рада за французов! А что касается Модиано, он действительно очень достойный писатель, по-моему.