Radio de l'«Observateur Russe». Le drame du barrage de Sivens
Bonjour ! Ici Catherine Océan depuis les studios de « l'Observateur russe ». Comme chaque semaine, je vous parlerai des événements de la semaine passée les plus débattus dans la presse française.
La mort de l'étudiant Rémi Fraisse dimanche dernier, le 26 octobre, au cours d'une confrontation avec la gendarmerie française est l'un des thèmes capitaux des débats socio-politiques en France. L'activiste écologiste de 21 ans, opposant à la construction du barrage de Sivens dans le département du Tarn au sud-ouest du pays, est mort, selon les données préalables, à cause de l'explosion d'une grenade offensive, l'une de celles au moyen desquelles la police a essayé de disperser les manifestants. Des traces de TNT ont été trouvé sur les vêtements du défunt, mais les spécialistes soulignent que la probabilité d'une mort à cause de l'explosion d'une grenade de ce type est pratiquement exclue. Pourtant, l'enquête se poursuit.
Les circonstances de la tragédie ont eu un large écho dans la société française. Dans de nombreuses villes (Albi, Chambéry, Marseille, Rennes et Brest), des rassemblements ont eu lieu en mémoire de l'étudiant. Les questions suivantes sont à l'ordre du jour : dans quelle mesure la réaction des forces de l'ordre face à l'action des manifestants était-elle légitime et proportionnée ? Pourquoi le gouvernement n'a-t-il exprimé ses condoléances à la famille du défunt et ses regrets en lien avec les événements qu'après quelques jours ? Enfin, de quelle manière cet accident s'est-il changé en collision politique des partis des écologistes et du Front de gauche avec le gouvernement du pays ?
Les premiers acteurs du gouvernement et les manifestants ont proposé des versions divergentes des événements. Voici comment Gwenaëlle, 23 ans, l'une des participantes au mouvement de protestation, a décrit la situation au journal « Libération » : « C’était dingue, comme dans Apocalypse Now par moments. Il y avait une pluie de lumières, des feux d’artifices qui nous tombaient dessus. Les gendarmes balayaient la zone avec des lampes hyper fortes. Ils devaient se croire à la chasse aux lapins ».
Quant au journal « le Monde », il cite le procureur Claude Dérens, qui évoque une autre répartition des forces dans la zone du conflit : « Les gendarmes présents sur le site étaient retranchés dans l’aire de stockage des engins de chantier et ont été attaqués en règle par le groupe de manifestants violents, approximativement une centaine qui jetaient des cocktails Molotov, des engins pyrotechniques et des pierres sur le grillage et à l’intérieur depuis l’extérieur ».
La mort tragique de Rémi Fraisse est devenue un instrument de pression politique sur le pouvoir du pays : c'est ce que conclut le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve. Le « Figaro » rapporte ses paroles : « Un certain nombre de propos tenus ce matin m'ont choqué et relèvent d'une instrumentalisation politique sans vergogne d'un drame. Cela n'est pas acceptable et doit être condamné ».
Les journalistes du « Figaro », cependant, se sont efforcés d'analyser la situation de manière indépendante en utilisant des parallèles historiques. La rédaction du journal a comparé la mort de René Fraisse avec l'histoire de l'étudiant Malik Oussekine, qui a lui aussi été tué, en 1986, par des représentants des forces de l'ordre au cours de manifestations contre les réformes de l'université. La tragédie avait alors entraîné une vague de protestation dans tout le pays, rassemblant plus de 600000 personnes rien qu'à Paris en mémoire du défunt. Cette « bavure », comme ironise le journaliste du « Figaro », a coûté la place du ministre de l'Education Alain Devaquet et avait contraint le gouvernement à l'annulation du projet de réforme. Certains politologues ont aussi noté que la tragédie avait influé sur l'échec de Jacques Chirac aux élections de 1988.
Cependant, le ministre actuel de l'Intérieur, Bernard Cazeneuse, n'est pas d'accord avec de telles associations. « Vous évoquez le cas de Malik Oussekine, les circonstances n'ont rien à voir l'une avec l'autre…». Dans le cas actuel, « c'est un échec de la société car il y a trop de violence ». Thierry Carcenac, homme politique du parti socialiste, est du même avis, qui a prononcé la phrase devenue proverbiale grâce à la communauté journalistique : «Mourir pour des idées, c'est une chose, mais c'est quand même relativement stupide et bête ».
Des déclarations semblables ne pouvaient pas ne pas entraîner une critique violente du côté du parti écologiste et de son chef Cécile Duflot. « C'est très grave…» a-t-elle déclaré. « Depuis 48h aucun membre de ce gouvernement, qui avait théoriquement fait de la jeunesse une priorité, ne s'est exprimé pour présenter ses condoléances, pour dire qu'il regrettait ce qui s'est passé. Nous sommes face à une situation intolérable et qui va finir par être une tache indélébile sur l'action du gouvernement » a constaté Cécile Duflot. « C'est un drame absolu, c'est aussi un scandale».
Le député du parti des « Verts » José Bové et le représentant du « Front de gauche » Jean-Luc Mélenchon se sont aussi prononcés pour la nécessité de cesser immédiatement la construction du barrage.
L'ancien président Nicolas Sarkozy n'a pas manqué d'utiliser la situation. Il s'est retrouvé dans les rangs des critiques du gouvernement de François Hollande et Manuel Valls, en déclarant que durant les années où il était au pouvoir, de telles situations se sont passées « sans violence et sans drame ». Mais le comique de la situation réside en cela que les opposants de Sarkozy ont trouvé les points noirs de l'époque de son gouvernement et lui ont rappelé les désordres de masse de 2005 qui ont entraîné la mort de deux adolescents. En voulant échapper aux policiers dans la banlieue de Clichy-sous-Bois, ils se sont cachés dans un transformateur où ils sont morts électrocutés. Mais le président n'avait alors pas considéré ce qui s'était passé comme une tragédie...
Le chef actuel de l'Etat François Hollande a toutefois tenté de prendre la situation sous contrôle avec une déclaration publique officielle en lien avec la tragédie du Tarn. Après avoir exprimé ses condoléances à la famille du défunt, il a tenté de réconcilier les camps adverses : « Quelles que soient les circonstances, quand un jeune disparaît, meurt, la première des attitudes, la première des réactions, c’est celle de la compassion. C’est pourquoi j’ai appelé son père ce matin…Ensuite la seconde réaction, celle que les pouvoirs publics doivent engager avec la justice qui est saisie, c’est la vérité, toute la vérité sur ce qui s’est passé durant cette manifestation qui a été violente, et sur les causes de la mort. Et j’y veillerai personnellement…». Le chef de l'Etat a aussi appelé à la responsabilité concernant l'interprétation de la tragédie. « Il y a une responsabilité que chacun doit avoir dans son expression…». En outre, le président a souligné qu'aux moments éprouvants, la plus grande nécessité est d'appeler à l’apaisement, à la compréhension et de s'en référer au droit, puisque « nous sommes dans un pays de droit ».
Le président François Hollande a promis de prendre en main l'enquête en lien avec la mort de l'étudiant Rémi Fraisse. Saura-t-il tenir sa parole ? Selon toute vraisemblance, nous le serons très bientôt.
C'est tout pour aujourd'hui. C'était Catherine Océan depuis les studios de « l'Observateur russe ». A la semaine prochaine pour suivre le développement des événements avec la prochaine revue de la presse française.
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