Les urgences
C'était mon « jeudi noir » : la radio avait révélé une fracture de la hanche. J'ai été dirigé vers un hôpital au nord de la capitale française. Nous sommes arrivés vers 11 heures du matin. Il s'avère que pour être admis aux urgences, il y a trois étapes à franchir. La première n'a rien de compliqué, il suffit de donner son nom et la raison de sa présence, en échange de quoi on vous donne un bracelet en plastique avec votre nom et votre numéro de dossier. Si vos accompagnateurs étaient nombreux, vous pouvez faire la bise à vos amis : une seule personne a le droit de vous accompagner en salle d'attente.
Ici, il y a foule. Parmi eux, certains « privilégiés » sont installés sur des sièges métalliques. La majorité attend les « malades » déjà pris en charge dans le « secteur trois ». En vain, ils essayent de deviner ce qu'il se passe derrière le mur : aucune communication n'est possible, et le personnel ne donne pas d'informations. C'est aussi ici que les « futurs patients » fraîchement arrivés et leurs accompagnateurs attendent leur tour aux « urgences ». Certains chanceux ont eu la chance de prendre une place assise, d'autres sont dans un état tel, qu'ils ont du être amenés sur un brancard. Le reste du public n'a d'autre choix que de s'appuyer au mur ou tourner en rond. Il y a peu de volontaire pour prendre l'air, car pour rentrer, il faudra s'expliquer avec le personnel médical qui seuls ont la carte qui déverrouille la porte de la salle d'attente. Malgré la foule, l'air reste respirable grâce à la hauteur du plafond.
En face, la porte « Soins et Diagnostique », là où on traite les « urgences » est sur le point de s'ouvrir et quelqu'un pourra vous aider ! Ou pas… L'accès des patients ne se fait que par vagues, à chaque fois que le secteur est vide. Tant pis pour celui qui arrive juste après qu'une vague soit partie. Mais passons : j'arrive à me souvenir des trois heures en salle d'attente sans trembler. Des gémissements d'un côté, des ronflements de l'autre, et l’occasionnel homme d'affaire qui faisait les cents pas sans décoller son téléphone de son oreille. Dialoguer avec mon mari à mes côtés nous a occupés.
Dans l'après-midi, il y a finalement eu une lueur d'espoir. Une partie des souffrants a pu enfin quitter la salle d'attente, et j'étais dans le lot ! Il s'est avéré que le « secteur trois » était constitué de couloirs parallèles, d'un petit vestibule et d'un local fermé pour le personnel avec un air de kiosque.
Le couloir dans lequel je me suis retrouvée était court et bas de plafond. D'un côté, trois femmes âgées étaient disposées sur des brancards le long du mur. De l'autre, les portes ouvertes de quelques box. Adieu les sièges inconfortables de la salle d'attente, il nous a été proposé de nous asseoir sur des tabourets à roulettes ! Mais il n'y a pas eu assez de place pour tout le monde entre les portes. Encore une fois, le choix pour les malchanceux était soit de s'appuyer au mur, soit de faire des allers-retours le long du couloir. Après un coup d'œil au tabouret, je me suis adressée aux soignants : « Je voudrais bien une place allongée, j'ai une fracture à la hanche ! » On m'a répondu : « Un peu jeune pour un brancard ! »
Tous les occupants du couloir devaient passer en traumatologie. Les patients étaient symboliquement divisés en deux groupes. D'une part, les « petits bobos » — ceux-là étaient traités, sans précipitation. En grande partie des hommes, l'un avait un bandage sur le bras, un autre avait une jambe tordue, un troisième se tenait le front ensanglanté, un quatrième s'est blessé la paume au travail, un cinquième est mal tombé de son escabeau, etc. Quelques personnes parcouraient lentement le couloir en se tenant au support de l’intraveineuse.
Et le deuxième groupe, les « blessés graves » potentiellement hospitalisables – ceux-là, le personnel soignant les ignorait complètement. Ce groupe attendait qu'un interne en traumatologie descende et décide qui d'entre eux hospitaliser et qui renvoyer chez eux. L'une des femmes âgées attendait ce verdict depuis 6 heures du matin.
Le temps passait et la situation n'évoluait pratiquement pas. On mettait un bandage à certains et on les renvoyait chez eux. J'errais moi aussi dans le couloir, puisque de toute façon ma condition m'empêchait de m'asseoir. Je me suis adressée plusieurs fois aux infirmières pour m'allonger, mais c'était peine perdue. Après deux heures, la douleur dans tout mon corps était insoutenable, et j'ai décidé de prendre les choses en main. J'ai repéré un instant ou un box était vide, et je me suis approprié le brancard. Le temps aux « urgences » ne passe pas très vite, du coup, ils ne m'ont pas repérée très vite, peut-être au bout d'une demi-heure, voire 40 minutes.
Le personnel a réagi de façon étonnamment agressive.
Une infirmière s'est mise à hurler.
« Si vous ne descendez pas de plein gré, je vais vous faire mal ! »
Je répétais « J'ai une fracture à la hanche, je ne peux pas m'asseoir. »
« On vous a vus debout ! », elle continuait de hurler.
« Tout juste, avec une fracture de la hanche, on peut soit rester debout, soit s'allonger, mais pas s'asseoir ! », j'avais beau essayer d'expliquer l'évidence même…
« Je vous fais descendre de force », après m'avoir menacé, ils ont commencé à m'attraper par les jambes.
C'est là que j'ai tendu mon téléphone (déchargé !) devant moi et que j'ai prononcé « Je suis journaliste, et j'enregistre ! »
Qui l'eut crû, ils se sont arrêtés ! Le vacarme avait attiré le médecin à qui j'avais demandé de m'allonger. Il a demandé mon nom au personnel, jeté l’œil au dossier, et déclara « Elle a vraiment une fracture à la hanche, mettez le brancard dans le couloir ! » C'est ainsi que j'ai pu passer les trois heures d'attente suivant allongée. Pendant tout ce temps, le personnel soignant évitait soigneusement tout contact avec le groupe « blessés graves ».
C'est 7 heures du soir passées que l'interne en traumatologie est enfin descendu et s'est mis à trier rapidement les patients qui s'étaient accumulés. Pratiquement sans les regarder.
En passant à côté de moi, il me dit « Avec votre fracture, il faudra vous opérer, on va vous monter dans le secteur. » Ces dix secondes, j'ai du les attendre 8 heures.
Qu'on m'explique, pourquoi l'interne ne peut-il pas descendre toutes les deux-trois heures ?
Et pourquoi les employés des « urgences » sont-ils complètement désintéressés de leurs patients ?
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Насчет «бесплатного такси».
Я направлялась на операцию в клинику Жоффруа Сен-Илар (5 округ). Мне прописали специализированное такси (с предоплатой), дали соответствующий бланк для заполнения водителем. Такси я ждала 15 минут — за свои пречистые. Доехав до клиники, заплатила 30 евро ,шофер заполнил бланк и укатил. Кажется, все хорошо? Ан нет. Спустя три недели мне отослали бланк, присовокупив письмо, где объяснили, что такси мне оплатить не смогут. Почему? Оказывается, шофер «забыл» сделть положенную в этих случаях 5-процентую скидку! Прозвонившись в Сцстрах,я получила следующие ЦУ: «Свяжитесь с управлением такси по адресу 36, rue Bertillon, Paris XV. Они скажут Вам, что делать. Все будет хорошо, вот увидите!» Телефон дать однако отказались — пришлось самой искать его в Pages jaunes. В справочной на ул. Бертийон мне далипо телефону фамилию и номер «ответственного лица» ,единственного, кто занимается подобными «недоразумениями». При этом добавили, что тот практически не поднимаент трубку, потому как «занят». Почувствовав себя на военной тропе, я принялась названвать ответственному лицу по многу раз в день — и что же? Не прошло и недели (!), как в трубке послышался живой голос.
«Мадам, в нашем веднии 16 000 шоферов по Парижу иПарижскому району — чтобы найти нужного, вам придется всех их опросить. Желаю удачи!» .
Остается задать вопрос? Что это? Единичный случай хамства и халатности либо повсеместная практика? Рнежим экономии — или же просто грабеж средь бела дня/ночи/утра/вечера?
Ау, люди! Будьте бдительны!
Напоминает московские больницы 90-х годов 20 века. Честно говоря, я неприятно удивлен.
Ya ochen' udivlena!..
Скажите, где больница-то такая? И это была скорая помощь или всё-таки обычная муниципальная больница (или вообще «травма»)?
Удалось выяснить, почему там даже нет штатного травматолога?
И можно ли в таких случаях писать куда-то жалобы?
То ли еще будет... Кроме шуток
Французы еще не знают. Только догадываются (некоторые)
Меня тоже удивляет полное безразличие и некомпетентность обслуживающего персонала медицинских клиник. Наоборот, казалось бы, надо проявить сочувствие больным людям, ан нет. Причем, это уже касается не только Франции, но и многих других стран. Очень хочется надеятся, что это безразличие не затронуло врачей и высший медицинский персонал.
Борис, это было отделение Скорой помощи одной из столичных гос больниц. Врач травматолог там есть, процедура такова, что он занимается только «легкой травмой» (petits bobos), а пациенты с «тяжелыми травмами» вынуждены ждать, когда из отделения спуститься интерн. Ожидание длится часами, никого из персонала не волнует. До вердикта интерна этих пациентов в «Скорой» как будто не существует,
Я не верю, что занятость интернов в отделении не позволяет им спускаться вниз раз в 2-3 часа.
Я просто потрясена этой историей! Как такое может быть в принципе с человеческой точки зрения?? Ведь известно, что скорее поправляются пациенты, которые доверяют своему врачу, верят в него, а он вселяет веру в них. А тут — сразу же — демонстрация безразличия и бездушия... Не ожидала такого от французской клиники... Возможно, срабатывает стереотип — в Европе все такие приятные, воспитанные... Предлагаю осветить данную тему в очередной статье моего любимого автора!
Такое отношение к больным неожиданно, но может быть и объяснимо, например, тем обстоятельством, что для медперсонала не важно, примут ли они десять человек или сто... Про человеческое отношение, к сожалению, можно забыть (( это у конкретного пациента что-то болит, а у медперсонала это каждодневное событие, описываемое словами «много вас тут ходит». Поэтому ход с «я журналист, я записываю» — один из немногих, который еще пока работает.
Полностью согласна, что врач, «сортирующий» тяжелых больных, вполне может спускаться и чаще. Я бы даже предположила, что такой врач может и дежурить в отделении постоянно, ведь судя по описанию, поток тяжелых больных постоянен. Тогда можно будет избегать и идиотизма типа «вы слишком молоды для каталки», потому что диагноз к возрасту не имеет никакого отношения...
Про такси. Не могу поверить, что в бумаге, которую заполняет водитель, не указан номер машины или бортовой номер такси... но на будущее, по-видимому, надо записывать номер такси и фамилию водителя ;-) Возможно, кстати, что это заставит его дать необходимую скидку.
А автору статьи — скорейшего выздоровления!
Разруха везде одинакова: и в постперестройку в СССР и во Франции. Денег на здравоохранение не выделяют в полном объёме, нехватка медперсонала, surcharge du travail. Более толковые и совестливые в таких условиях работать не хотят. Уходят. Вот вам и результат. А интерна вместо приёмного загрузили другой работой, ему и на операции иногда надо посмотреть.