Le record d'hypocrisie, établi depuis les affaires «Madame Bovary» et «Fleurs du Mal», a enfin été battu. A l'époque, Flaubert et Baudelaire sont accusés «d'offense à la morale publique» par un procureur du nom de Pinard. « Madame Bovary» fut gracié, même si le tribunal le jugeait néanmoins «nocif». Les «Fleurs du Mal» eurent un destin plus tragique: le recueil tiré à 1100 exemplaires est anathématisé «pour blasphème et immoralité». Six des poèmes les plus «obscènes» subissent une mise à mort civile. Ce n'est qu'en 1949 que les «Fleurs du Mal» seront réhabilitées.

Г.Курбе «Происхождение мира» | G.Courbet "Origine du monde

Et voilà que de nos jours, un nouvel arrière-goût de ce «passé maudit» se fait sentir: la Poste refuse de reproduire sur ses timbres «l'Origine du monde» de Gustave Courbet, où l'artiste dépeint le sein féminin dans sa beauté originelle.

La peinture a été faite par Courbet en 1866 pour la commande de Khalil Bey, ancien ambassadeur de l'Empire ottoman à Athènes et Saint-Pétersbourg, qui vivait à l'époque à Paris. Khalil Bey avait commandé la peinture de Courbet pour compléter sa collection d'art érotique qui comprend, entre autres, «Bain Turc » d'Ingres et «Les Dormeurs» du même Courbet. Plus tard, Khalil Bey se retrouve ruiné et sa collection se disperse.

En 1889, Edmond de Goncourt a trouvé la peinture de Courbet chez un antiquaire, caché derrière un panneau en bois représentant un paysage. Après quoi la trace de «l'Origine du monde» est perdue. Cependant, en 1910, elle réapparaît dans une galerie parisienne de Bernheim Jr., où le tableau est acheté par un noble hongrois, le Baron Ferenc Hatvany, qui le ramène avec lui à Budapest. La toile y reste jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale, puis disparait de nouveau.

Jusqu'en 1955, lorsque le célèbre psychanalyste Jacques Lacan en fait l'acquisition auprès d'un vendeur inconnu. On installe alors le tableau dans la résidence secondaire du gourou de la psychanalyse moderne.

Après la mort de Lacan en 1981, ses héritiers ont concédé l'œuvre d'art au musée d'Orsay. Là-bas, on lui a collé un gardien... juste au cas où!

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Comme déjà mentionné, l’association philatélique du département du Doubs a offert à la Poste française de publier 3000 timbres avec des reproductions de l' image à scandale. La Poste a refusé sans prêter attention à «l'autorisation» d'Orsay ni au feu vert du Conseil général de Besançon, terre natale de Courbet.

Courbet était l'idéologue à la tête de l'école française de réalisme. «La peinture revient à présenter les choses que l'artiste peut voir et toucher... je suis fermement d'avis que la peinture est essentiellement un art concret, et ne peut consister qu'en la représentation de choses réelles et existantes. C'est un langage entièrement physique» — écrit Courbet.

En 1871, Courbet avait rejoint la Commune de Paris, il dirigeait les musées publics et a soi-disant conduit à la démolition de la colonne Vendôme. Après la chute de la Commune, le tribunal le condamne à six mois de prison. En mai 1873, le nouveau président de la République, le maréchal de Mac-Mahon décide de faire reconstruire la Colonne Vendôme aux frais de Gustave Courbet. Cela a incité l'artiste à fuir en Suisse, où il est mort dans la pauvreté en 1877.

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Depuis la création de «l'Origine du monde» 148 années se sont écoulées. Mais aujourd'hui encore, la peinture de Courbet excite encore les esprits des fonctionnaires. Voilà comment La Poste française formule son refus: «Certes, L'Origine du Monde est exposée dans un musée, mais lorsque vous vous y rendez, vous vous inscrivez dans une démarche. Tandis que sur un carnet ou une enveloppe, tout le monde peut tomber dessus.»

Mais La Poste a aussi des postulats totalement absurdes. Ainsi, la Charte de La Poste interdit par exemple sur les timbres la reproduction d'armes quelconque. Et Saint George sur le timbre ne terrasse pas le dragon avec une lance, mais... une rose !

«La censure des classiques par la poste est une hypocrisie!, s'indigne Le Figaro. — Et ce dans un pays où le mariage homosexuel est officiellement reconnu!» C'est vrai: comment réconcilier une telle « timidité » pour les timbres, avec par exemple l'exposition choquante récemment terminée «Masculin/Masculin» dans le même musée d' Orsay? Rappelons tout de même que l'artiste Orlan y a présenté au public une version virile de la toile de Courbet, rebaptisé  " L'Origine de la Guerre. "

L'année dernière, La Poste a, sans sourciller, émis un timbre-poste où Marianne, le symbole de la République française, est incarnée par la leader féministe du groupe ukrainien «Femen» Inna Shevchenko.

Prêter les traits d'une star des médias de masses à Marianne est devenu un rituel. Tout le monde se souvient, par exemple, de Marianne-Brigitte Bardot. Aujourd'hui, la personnification de la République Française tombe sur une activiste ukrainienne sans foi ni loi. Tout cela avec l'approbation du président Hollande, qui a personnellement présenté le projet à l'Elysée.

Et le journal «Le Figaro» pose la question qui est sur toutes les lèvres: comment concilier cette bienveillante condescendance au «sommet» avec les actions scandaleuses des neuf militantes " Femen " à Notre Dame de Paris en Février 2013, immédiatement après l'abdication du pape Benoît XVI ? Les filles à demi-nues avaient fait irruption dans la cathédrale et ont commencé à frapper les cloches à l'aide de bâtons, en criant : "Plus de pape ! "

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"Monsieur le président de la République, supprimez ce timbre à l'effigie d'une Femen! " écrit la journaliste du " Figaro " Julie Graziani dans une lettre ouverte.

De leur côté, les militantes " Femen " condamnent dans les réseaux sociaux «Un gouvernement conservateur qui courbe l’échine et bafoue toutes les femmes.» Le 5 février sur la page française de Facebook Femen la phrase est apparue : " Je suis la cocue du Président."

... Et pendant ce temps, contrairement aux peintures de Courbet, le timbre d'Inna Shevchenko reste en vente, et ce en dépit de toutes les courbettes à la censure !