La France à l’heure russe ?
Dans la proche banlieue de Paris s’est tenu le festival Russenko
Du 30 janvier au 1er février dans la petite ville de Kremlin-Bicêtre de la banlieue parisienne s’est déroulée la sixième édition du festival annuel Russenko. Il faut dire que cette ville n’accueille pas par hasard connaisseurs et amateurs de la culture russe. Selon l’une des versions qui circulent le mot kremlin (кремль en russe) dans le nom de la ville ferait référence au cabaret du même nom, ouvert près de l’hôpital, où étaient soignés les soldats blessés pendant la guerre de 1812. En outre, l’actuel maire de Kremlin-Bicêtre, Jean-Luc Laurent, est le vice-président de la commission de coopération franco-russe à l’Assemblée Nationale. Selon son observation précise, le mot principal caractérisant le festival qui se tient actuellement est «l’éclectisme ».
En effet, l’édition 2015 de Russenko se distinguait par son envergure inhabituelle ainsi que par la diversité des manifestations, dans lesquelles tradition et modernité se côtoyaient et se complétaient. Le programme dense du festival ne se composait pas seulement d’expositions, de tables rondes et de concerts. Y était également représentés les ateliers pour enfants, les master-class culinaires, les projections de films. Sans même parler de parcourir toutes les manifestations, le seul fait de les énumérer n’est pas chose aisée. Pendant toute la durée du festival dans différents lieux de la capitale ont été organisées des expositions photos, consacrées à différents aspects de l’histoire et de la vie contemporaine russes et de ses voisins. La série d’expositions à été inaugurée par le projet de photos intimistes « Kommounalka » de Françoise Huguier et conclue par les reconstitutions de scènes de batailles, immortalisées sous forme de tryptiques par le photographe estonien Alexander Gronsky. Figurait également le street-art, représenté par les travaux de Timofey Radya, originaire d’Ekaterinbourg et le collective français WELCOMEINPEACE.
Dans le bâtiment du théâtre local ESAM le cinéma soviétique et le cinéma russe contemporain étaient proposés aux spectateurs (on pouvait se laisser aller à la nostalgie pendant la projection de films tels que « Les gentilshommes de la chance », « Le marathon d’automne », « Joyeux garçons »), cependant qu’à la Médiathèque des dessins animés étaient projetés pour les enfants, parmi lesquels les fameux “Film, film, film” et « Enquête tenue par Kolobki ». Un véritable cadeau pour ceux qui connaissent ces bandes par cœur et pour ceux qui n’ont jamais entendu parler de l’existence de rares éléphants à rayures et ne voient pas dans le mot « radis » une injure.
Pour les amateurs de bonne chère le projet « Lavka Lavka » organisait des master-class culinaires, où l’on pouvait observer le procédé de préparation et gouter le plat obtenu. (Composante agréable qui n’entre pas dans les shows culinaires télévisuels). Pendant que « L’observateur Russe » finissait de manger son kutia (plat de riz aux raisins secs) et suivait avec attention la préparation des syrniki (beignets à base de fromage frais), ses pensées étaient occupées par la charlotte, le canard en sauce et le blini tort (gâteau de crêpes). Tableau agréable que l’auditoire de ces master-class s’armant de bloc notes et bombardant littéralement les cuisiniers de questions spécifiques. C’est qu’il est nécessaire en effet de dénicher le bon tvorog (fromage blanc russe), de se munir en beurre fondu et de respecter précisément la procédure.
Fini de manger ? On peut désormais penser aussi aux besoins spirituels. Pendant tout le festival, les visiteurs ont pu écouter du jazz, assorti à de la musique ethnique mongole interprétée par Doctor Jazz, discuter des spécificités de l’école russe de violon ainsi qu’écouter l’interprétation d’un classique russe par le pianiste Sergueï Markarov. Pour les amateurs de culture contemporaine les organisateurs avaient préparé un concert de musique électronique russe ainsi qu’un mix de reggae et de funk, interprété par un groupe de jeunes français.
Les manifestations les plus discutées ont sans doute été les nombreuses tables rondes. Une partie d’entre elles était consacrée à l’image de la Russie contemporaine, ainsi qu’à l’Ukraine (que faire à cela, il n’y a pas de thème plus important et plus épineux pour l’espace postsoviétique contemporain). Il se trouve que les prisonniers politiques, les actions militaires dans le Donbass et les monstrueux media de la guerre font partie de la réalité contemporaine. Parmi les thèmes soumis au débat, l’image de la femme russe contemporaine qui, aux yeux des européens fait figure d’image composite allant de la jeune fille de bonne famille avec sa natte rousse, façonnée par l’écrivain Tourgueniev à l’ «Intergirl» (modèle de la prostituée faisant « affaire » avec les étrangers en échange de devise étrangère (валюта en russe) dans l’URSS de la Perestroïka, incarnée dans le roman éponyme de l’écrivain Vladimir Kunin).
D’autres thèmes, moins brulants, mais non moins importants, ont été abordés à l’occasion de tables rondes, dédiées à la littérature. Ainsi, par exemple, les écrivains Maxime Ossipov et Liouba Iourgenson, qui partant de la thématique du départ et de l’émigration ont rejoint les questions plus complexes des modifications du sentiment de soi au fil du temps et de l’attachement à la langue. L’écrivain et le traducteur Liouba Iourgenson a raconté comment et pourquoi elle a ressenti le besoin de se défaire de l’accent et de commencer à écrire en français puis à livré son expérience de traduction de compositions personnelles du russe au français et inversement. A l’occasion de rencontres avec les écrivains, les éditeurs et les chercheurs il a beaucoup été question de la littérature russe ainsi que de l’actualité des classiques russes aujourd’hui. Parmi les exemples frappants d’une semblable actualisation des classiques, on peut nommer la bande dessinée de 150 pages inspirée du roman de Lermontov, Héros de notre temps. Son auteur, Cécile Wagner a livré au public combien il lui était important de conserver l’esprit du XIXème siècle, montrant en parallèle que Petchorine correspondait parfaitement au modèle contemporain du jeune homme.
Pendant que les adultes discutaient de littérature et de politique, évoquaient le passé avec nostalgie et se livraient à des pronostiques sur l’avenir, les enfants pouvaient regarder des spectacles de marionnettes, apprendre à les manipuler, tourner un court film avec la participation des héros de cire ainsi qu’à se métamorphoser, comme le fait la jeune Olga, héroïne du livre d’Olga Sedakova.
Ont pris enfin part au festival les clowns du groupe Kanikuly, poursuivant la ligne artistique tracée par les célèbres Théâtre Licedei ainsi que l’ensemble folklorique « Zadorinka » de la ville de Dimitrov, ayant ébloui les spectateurs par leurs costumes chatoyants et leurs chansons mordantes, tout comme par leur grande maîtrise des instruments musicaux traditionnels.
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En résumé, il est absolument impossible d’énumérer toutes les manifestations du festival sans transformer cet article en une liste de plusieurs pages balayant les évènements et les participants. La mission principale de Russenko est d’attirer l’attention sur la culture russe et de créer une atmosphère amicale d’intérêts partagés entre le monde russe et le monde ouest-européen. Il semble que cette mission ait été parfaitement remplie. En outre, l’orientation de Russenko ne porte pas uniquement sur la russie actuelle, mais sur tous les pays de l’espace postsoviétique. Il se prononce pour l’effacement des frontières et le maintien des spécificités. Un thème actuel pour la russie aujourd’hui, comme pour la France elle-même. Non sans raison semble-t-il la matriochka représentée sur toutes les affiches du festival emprunte ses motifs géométriques à la façade du bâtiment ouvert il y a plusieurs années de la médiathèque de Kremlin-Bicêtre, où se déroule l’essentiel des manifestations.
Vidéo: Anna Baydova[
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Кажется было интересно. А можно попросить редакцию Русского Очевидца иногда заранее выкладывать информацию о таких событиях, чтобы не только о них читать, но и попадать на них? :)