Le bonheur, c’est d’être compris ? «Russophonie 2014»
Remise du huitième Prix Russophonie à Paris
Une semaine après l’ouverture du festival sur la culture russe, Russenko, dont nous avons déjà parlé, L’Observateur Russe a été invité à un autre événement important. Le 31 janvier et le 1er février, à la mairie du Vème arrondissement de Paris, se sont tenues les Journées du livre russe.

Вручение 8 премии Руссофония Франсуазе Лоэст | Françoise Lhoest — lauréate du 8 Prix «Russophonie». Photo: Anna Baydova
Un jour, l’auteur de cet article a été invité à prendre l’apéritif chez des voisins (des gens intelligents qui voyagent et lisent beaucoup) qui l’ont prévenu : « Nous avons entendu qu’en Russie, une fois que vous avez fini vos verres, il est d’usage de les jeter par terre. Nous aimons beaucoup ces coupes, ne les cassez-pas, s’il vous plaît ».
Le ton facétieux se mêlait à une crainte mal dissimulée. Depuis, j’ai commencé à réfléchir sérieusement à la question de la diffusion de la culture, avec un avantage certain. Le fait est qu’on ne nous force pas à intégrer notre propre culture (y compris la culture quotidienne) mais qu’on est simplement familiarisé avec elle. Ainsi, plus une personne est informée, plus elle est bienveillante, ouverte, et exempte de partis pris et de clichés.
C’est pourquoi la pensée d’une compréhension mutuelle universelle, qui amènerait la prospérité, m’a traversé l’esprit.

Встреча с французскими писателями, слева направо: Arthur Larrue, модератор встречи, Agnès Desarthe, Christian Garcin. Photo: Anna Baydova
Heureusement, cela fait longtemps que l’humanité s’est penchée sur la question de la compréhension mutuelle (tout du moins au niveau du langage) et la profession de traducteur est apparue. Ce sont justement les traducteurs qui étaient à l’honneur à la fin des Journées du livre russe, lors de la remise du Prix Russophonie, et même, il faut l’avouer, tout le long du festival. En effet, ils ont permis l’accomplissement d’un grand nombre de tables rondes franco-russes et, par le passé, les questions de traduction étaient au cœur de beaucoup de rencontres. Les maîtres de la parole traduite ont volontiers partagé leur expérience dans la traduction de la littérature russe classique et contemporaine et ont présenté leurs dernières publications.

На вручении премии «Руссофония» в зале яблоку негде упасть. | Lors de la remise du prix «Russophonie» la salle est pleine à craquer. Photo: Anna Baydova
Toutefois, les Journées du livre russe ne se sont pas cantonnées aux discussions sur les questions de traduction. Les écrivains, traducteurs, historiens et spécialistes des cultures ont débattu sur des problèmes plus généraux : Quelle influence les cultures et littératures russe et française ont-elles l’une sur l’autre et comment la société actuelle russe se perçoit-elle au travers du prisme de sa propre culture. Beaucoup de choses ont été dites sur l’histoire et l’époque actuelle ; un leitmotiv a résonné : « interpréter », « réinterpréter », « inventer un nouveau langage ».
Il faut étudier le phénomène avec du recul. Le regard des écrivains français sur les Russes est en effet plus intéressant. En écoutant leurs raisonnements, j’ai eu envie parfois de sourire, parfois d’acquiescer tristement, et d’autres fois encore de m’étonner (ce qui est justement surprenant, c’est que je n’avais même pas pensé à cela). La Russie a été abordée avec fascination, avec tristesse, avec enthousiasme ou encore avec une adoration sans bornes. Ces deux jours ont été consacrés à elle, à sa culture, son histoire et, principalement, sa littérature et sa langue en tant qu’instrument de la littérature.
Au cinéma La clef, outre les rencontres et tables rondes, une présentation du cinéma russe actuel et une exposition d’aquarelles d’une élève de l’Académie des Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg, Tatiana Frolova, qui travaille actuellement à Paris, ont été organisées. Des représentations théâtrales, des expositions photographiques, des concerts et des lectures de poèmes ont également été proposés au public. Dans l’enceinte de la mairie du Vème arrondissement de Paris, une foire du livre a été installée pour présenter de la même façon les éditeurs et les librairies, la littérature russe et française, les œuvres classiques et contemporaines.
L’événement le plus important, marquant la fin du festival, a été la remise du huitième Prix Russophonie pour la meilleure traduction du russe vers le français. L’éventail d’époques et de genres était assez conséquent. Les travaux de Marina Berger, qui a traduit Le style et l’époque de Moisseï Guinzbourg, de Yves Gauthier, traducteur du Ciel orange de l’odieux Andreï Rubanov, de Luba Jurgenson, qui a traduit Le livre du retour de Julius Margolin, et de Nina Kehayan, traductrice du Portrait critique de la Russie de Dina Khapaeva, ont été particulièrement remarquables.
Cette année, le Prix a été attribué à Françoise Lhoest pour sa traduction des Lettresde Solovki du père Paul Florensky. Elle a déclaré que ce travail avait été « le plus long, le plus difficile et le plus captivant de toute [sa] vie ». Au demeurant, elle a déjà à son actif la traduction de quatre œuvres de Floensky (sans compter les Lettres de Solovki), d’ouvrages de Lotman et d’Ouspenski et, pour l’heure, elle travaille sur une anthologie de quatre textes courts encore non traduits de Florensky.
Pour revenir à mon impression personnelle, je dirais que le plus désorientant et surtout le plus beau dans Les journées du livre russe a été ce mélange le plus total de langues : ne pas savoir tout de suite à qui s’adresser dans quelle langue et le fait que l’on ne te réponde pas toujours dans la même langue que la question que tu as posée.
Toutefois, ce n’est pas le plus important. L’essentiel, c’est que l’on te comprendra toujours.
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