La jeune fille de Montmartre ou sur les traces d’Amélie Poulain
Il est d’usage, dans le monde entier, que les gens célèbres donnent leur nom à des rues, des villes, des parcs, des bibliothèques, des musées, des bateaux… Mais il arrive que des personnages fictifs d’œuvres littéraires ou de films marquent tellement les esprits des gens, qu’ils laissent eux aussi une trace originale sur la carte de la ville. C’est ce qu’il s’est passé avec l’héroïne principale du film français « le Fabuleux destin d’Amélie Poulain », mis en scène par Jean-Pierre Jeunet, qui s’appelle simplement « Amélie » dans la version russe.
Montmartre est, depuis longtemps, un centre d’attraction privilégié pour les touristes. Toute l’année, des gens du monde entier passent, comme s’ils étaient aimantés, vers la basilique à la coupole blanche qu’est le Sacré Cœur, admirent la merveilleuse vue de Paris depuis la colline, flânent entre les rangées de peintres, regardent les représentations des artistes de rue, et vont même parfois jusqu’aux célèbres vignobles.
Depuis que le film « Amélie » est sorti dans les salles en avril 2001, un nouvel itinéraire bien spécifique est apparu à Montmartre : « Sur les traces d’Amélie Poulain ». Ce film qui parle de cette gentille Parisienne un peu étrange, qui essaye de comprendre le sens de la vie, tout en passant inaperçue, qui donne aux gens des petits plaisirs, a connu un succès extraordinaire, stupéfiant : il a réuni dans les salles du monde entier 32 millions de spectateurs ! Dans tous les festivals cinématographiques importants du monde, « Amélie » a remporté les meilleurs prix, a reçu quelques Césars, a été nominé aux Oscars dans la catégorie « meilleur film étranger ». Au Japon, Amélie est devenue un objet d’admiration, à la naissance, les parents appellent leur fille ainsi. A Paris, dans les boulangeries, on a inventé de nouveaux petits pains appelés Amélie. On dit que sur la rivière de Moscou navigue un bateau-mouche nommé en l’honneur de l’héroïne du film français.
13 ans ont passé depuis la sortie du film « Amélie », mais jusqu’à présent les touristes de tous pays viennent à Montmartre dans le but de voir cet endroit, où l’histoire de leur film tant aimé s’est déroulée. Divers sites proposent des itinéraires de promenades « sur les traces d’Amélie » ou « Montmartre avec Amélie », et des groupes entiers accompagnés de leur guide se rendent sur les lieux des héros du film.
L’Epicerie Collignon, où travaillait le personnage joué par Jamel Debbouze, se trouve dans un lieu relativement calme, au 56, rue des Trois Frères. Cette épicerie ordinaire, comme il y en a beaucoup dans Paris, diffère des autres seulement parce que des touristes troublés passent fréquemment devant, et le plus souvent ce sont des femmes qui l’examinent longuement et la photographient, puis, sans rien acheter, font rapidement demi-tour et en sortent. Devant l’entrée de l’épicerie, vous pouvez croiser de joyeux gnomes qui clignent des yeux : cela rappelle la blague d’Amélie dans le film, lorsqu’elle offre à son amie hôtesse de l’air un gnome qui vient du jardin de son père. Son amie se prend en photo avec le gnome dans toutes les villes du monde, et envoie à son père stupéfié les clichés. Dans l’épicerie Collignon, au milieu des fruits et des légumes, sans t’y attendre, tu croises soudain le regard de l’énigmatique Amélie. Ali, l’ancien propriétaire de l’épicerie, a été tellement inspiré par le film et par la popularité de son magasin, qu’il a même sorti un CD, dans lequel il chante et raconte la vie de l’épicerie. Ce disque est vendu sur place. Dans le magasin, un stand tout entier est réservé aux coupures des articles de journaux qui parlent du film.
Le cinéma « le Studio 28 », rue Tholozé, où allait Amélie, existe dans son ancien aspect. Mais c’est le café « Deux Moulins » qui attire plus que tout, les touristes fans du film. L’aspect extérieur de ce café est resté tel qu’il était au moment du film. Il se trouve rue Lepic, entre deux célèbres moulins (le Moulin Rouge et le Moulin de la Galette) d’où vient tout simplement son nom.
Pour être honnête, la première fois que nous sommes allées dans ce café avec des amies, je me suis rendue là-bas avec précaution puisque dans les cafés situés vers des lieux touristiques, il n’est pas rare d’être confronté à des serveurs peu polis et attentifs. A ma grande surprise, dans le café « Deux Moulins » règne une atmosphère bienveillante, et les jeunes serveurs souriants étaient aimables envers tous.
Du mur au fond du café, souriait à toute la salle Amélie Poulain, dans un grand cadre rond. L’autre portrait de l’héroïne du film se pavanait sur le comptoir du bar. Ici se trouvait également un gnome du film, mais dans un lieu très isolé (je ne peux pas vous souffler où...). En me mettant à déjeuner, je n’arrivais pas à me détendre et à me défaire de mes aprioris sur ce lieu pour touristes gâtés. A mon étonnement, le repas était bon et ne coûtait pas les yeux de la tête. C’est agréable que les patrons n’exploitent pas la gloire d’Amélie et la disposition avantageuse de ce lieu populaire de Paris, pensais-je, et je me mis à examiner le café et ses visiteurs.
A la petite table voisine se trouvait une véritable Parisienne, la tête plongée dans son petit ordinateur. De l’autre côté, une famille d’Américains finissait lentement son repas. Tout près, un couple de Coréens se faisait photographier devant le grand portrait d’Amélie. Les portes du café ne se fermaient pas, des gens entraient et sortaient sans cesse mais nous n’avions pas l’impression d’un va-et-vient. Tous souriaient autour, comme si l’éclat du sourire d’Amélie était contagieux.
J’ai dérangé ma voisine parisienne. Elle ne s’est pas du tout étonnée, a retiré les bouchons de ses oreilles et s’est mise à parler du café avec le sourire. Claire, elle s’appelle ainsi, vit juste à côté du café et vient souvent travailler ici. Elle se rappelle comment était le café autrefois. Bien sûr, après le film, ce bistro typique parisien a commencé à attirer une foule de gens de nationalités différentes. Des groupes entiers de touristes asiatiques viennent très souvent. Certains passent seulement, regardent, puis s’en vont. Il y a des jeunes filles du Japon et de Corée qui apportent leur gnome, se font photographier ici, et vont plus loin. Il est très fréquent d’entendre de l’italien ou de l’espagnol. Ces troupes de touristes ne troublent pas Claire. Elle explique que les autochtones, des habitués du café pour l’essentiel, ne s’assoient pas aux petites tables, mais restent au comptoir du bar
Par la fenêtre on voit à tout bout de champ passer des groupes de touristes avec leur guide. Nous avons fait connaissance avec nos autres voisins de table. Des Américains, des Argentins, racontent qu’ils ne sont pas venus dîner par hasard dans ce café, ils voulaient voir de leurs propres yeux le café d’Amélie. Tout près, sous le portrait d’Amélie, se trouvent des jeunes Polonaises, qui rient aux éclats, et demandent à être photographier devant le portrait. Elles ont également choisi ce café exprès. Eva, en plongeant sa petite cuillère dans son grand ramequin de crème brûlée, explique : « Je voulais me sentir comme Amélie Poulain ». Plus tard, j’entends parler russe. Olga et Igor viennent de Riga, et sont aussi venus dans ce café exprès, ils se souviennent bien du film et l’apprécient. « Seulement voilà, le café a changé, dit Olga. La partie près de l’entrée a été entièrement refaite ».
Plus tard, en discutant au comptoir du bar avec André, un client fidèle du café « Deux Moulins », âgé de 50 ans, nous apprenons qu’il y a en effet eu des changements dans le café, on n’y vend plus de tabac. André donne beaucoup de détails sur la vie du café, sur ses propriétaires et ses habitués, comment a eu lieu le tournage du film, il dit que le café est même resté ouvert pendant cette période, et que tous pouvaient passer tranquillement ici. Il affirme que les soirs, quand on passe de la musique, il vient danser. Il se trouve que des groupes de musique différents viennent tous les lundis et jeudis divertir le public du bistro.
En discutant dans ce café de Montmartre avec des gens de différents continents, je me demandais pourquoi certains films connaissent un grand succès et touchent des millions de personnes de pays et de culture différents, alors que des milliers de films passent sur nos écrans et ne laissent aucune trace dans notre mémoire ?
Et tout d’un coup, j’entendis des jeunes Canadiennes qui venaient pour la première fois à Paris dire : « On nous a dit que les Parisiens n’étaient pas des personnes très polies, qu’ils étaient méchants. Mais il se trouve que, comme dans le film, ils sont très gentils et très compatissants ».
Et je me suis alors dit que, peut importe là où l’on vit, on rêve tous d’avoir un ange-gardien, une bonne fée comme Amélie Poulain, qui a pour principal but dans la vie d’offrir de la joie aux gens.
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Замечательный фильм и отличная статья. Непременно надо посетить эти памятные места — всем советую.
Очень теплая статья, есть ощущение, что сама побывала в этом кафе... Спасибо!
Спасибо за статью, Наверное,пересмотрю фильм и мысленно погуляю по Парижу вместе с героиней фильма. Слава богу и аллаху, всегда в дороге встречаются такие Амели.
Гуля добрый день! Очень интересная статья! Меня направляют работать на несколько месяцев в Европу, я обязательно побываю в этих памятных местах! Спасибо!
Sympatichnaya statiya! Legkochitqemyi text i horoshyi slog. Spasibo!
Живу рядом с кафе . Действительно там так , как описано в статье . И Дух Амели ... и переделка входа ... и завсегдатаи ... и даже румынский музыкант — скрипач с узнаваемой улыбкой ,
Спасибо за искренность и доброту !