Le hiéromoine Nicodème. De Khabarovsk à Paris
C'est avec tant de chaleur et d'affabilité que le hiéromoine Nicodème (Pavlintchouk) a raconté à « l'Observateur russe » l'histoire de la maison de Nicolas Berdiaev à Clamart que nous lui avons demandé, bien que craignant de passer pour des importuns, comment lui-même s'était retrouvé dans ce « lieu russe » au milieu des réalités françaises du XXIe siècle.
Ayant confirmé de nouveau l'immensité du monde russe, le père Nicodème nous a raconté qu'il a été envoyé, après ses études à l'Académie théologique de Moscou, au séminaire de Khabarovsk afin d'y enseigner. Il y a servi deux ans, après quoi le Seigneur l'a redirigé « à l'autre bout du monde », à Paris.
Plus exactement, à Épinay-sous-Sénart, à vingt kilomètres de la capitale, où le Séminaire orthodoxe russe en France a ouvert ses portes en 2009.
«J'y ai été l'un des premiers enseignants » se souvient le père Nicodème. « Le séminaire venait tout juste de commencer son travail. C'est exactement la même chose qu'il m'est arrivé à Khabarovsk lorsque j'y suis arrivé en 2005 : on venait tout juste d'ouvrir l'établissement. »
Le père Nicodème n'enseigne plus à Épinay-sous-Sénart, mais il conserve un bon souvenir de cette époque. Les cours s'y déroulent en russe et en français. Les étudiants, en provenance de différents pays, sont choisis sur concours. Ceux qui ont été sélectionnés n'étudient pas seulement au séminaire : la formation religieuse est liée à la formation laïque. En parallèle, les séminaristes étudient les matières de base à la faculté de théologie de l'Institut catholique de Paris, ainsi qu'à la faculté de philosophie de la Sorbonne. Ceux qui souhaitent faire leurs études au séminaire viennent de partout où l'on trouve des Eglises russes. Il y a beaucoup d'étudiants en provenance des pays africains ; ceux-ci apprennent le russe afin de prendre part à l'office divin ; les séminaristes en provenance des pays de la CEI (Communauté des Etats Indépendants) découvrent les bases de la langue française.
O.R. Père Nicodème, pouvez-vous nous dire qui enseigne à présent au séminaire ?
P.N. Le personnel enseignant à Épinay-sous-Sénart vient aujourd'hui pour l'essentiel de France. On trouve ici beaucoup de théologiens au savoir solide. Il est intéressant que les formateurs de l'Institut Saint-Serge travaillent aussi au séminaire (l'Institut Saint-Serge dépend de l'Archevêché des Eglises orthodoxes russes sous la juridiction du Patriarcat de Constantinople, NDLR). Les structures sont différentes, mais il n'y a pas de séparation sur le plan spirituel, pas de différence sur le plan eucharistique. Autant les évêques que les simples gens peuvent venir prier dans n'importe laquelle de nos églises.
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O.R. Où servez-vous à présent ?
P.N. Je suis doyen de la paroisse dédiée à Saint-Séraphin de Sarov à Montgeron. Des offices y ont lieu le dimanche et les jours de fête. La chapelle de Montgeron a été construite en 1957 et peinte par Grégory Kroug, l'un des plus fameux peintres d'icônes du Paris russe. Il a vécu dans un monastère, a mené une vie ascétique et a consacré tout son temps à la prière et à la peinture d'icônes. C'est lui qui a peint les fresques de l'église des Trois-Saints-Hiérarques à Paris. On a conservé son iconostase* à Montgeron et ceux qui ont étudié les peintures de Grégory Kroug considère qu'il s'agit de sa plus belle réussite.
[* NdT : On appelle iconostase, dans les églises de rite byzantin, une cloison d'icônes séparant la nef du sanctuaire où le clergé célèbre l'office. Elle symbolise, selon les mots de la théologienne orthodoxe Elisabeth Behr-Sigel, « la distinction sans séparation en même temps que la rencontre, dans la liturgie, du monde céleste, éternel, et du monde terrestre, éphémère », témoignage de la communion entre le monde humain et le monde divin]
O.R. Il semblerait que l'église de Montgeron a appartenu un certain temps à la communauté serbe, pouvez-vous nous en dire plus ?
P.N. Les Serbes en sont partis au début des années 2000 et l'église est passée sous la juridiction du Patriarcat de Moscou. Le hiéromoine Nestor, à présent évêque Korsounsky, a été le premier à servir à Montgeron. La communauté comptait au début une dizaine de personnes, et ce sont à présent une centaine de personnes qui viennent à l'office, et on dénombre en tout 400 paroissiens.
O.R. Vous vivez dans la maison de Berdiaev à Clamart, qui appartient à la communauté ecclésiastique. Pouvez-vous nous parler de la chapelle qui y a été aménagée ?
P.N. L'Eglise de l'Esprit Saint est apparue après que la maison est passée au diocèse de Korsounky. C'est Grégory Kroug qui en a peint l'iconostase. Les serviteurs du culte y prient quotidiennement, mais la chapelle ouvre ses portes une fois par an pour la fête paroissiale le jour du Saint Esprit. On donne alors un office solennel, tous les prêtres se rassemblent, on révère la chapelle et Nicolas Alexandrovitch Berdiaev. Après l'office, un grand repas prend place dans la cour.
Les icônes que l'on voit aux murs de la chapelle ont été apportées par les serviteurs du culte : ils ont eu le souci d'embellir le lieu et d'y laisser un peu de ce qu'ils possédaient de saint.
Jusqu'à récemment, je trouvais des icônes anciennes dans les marchés aux puces, où elles étaient vendues pour presque rien. Je les ai achetées pour Montgeron, je les ai consacrées, et ces belles icônes sont maintenant fixées aux murs de la chapelle.
C'est ainsi que les Russes aménageaient les églises à l'étranger dans les années du siècle passé, et la tradition en perdure jusqu'à aujourd'hui, indestructible.
P.S. Au cours des Journées du Patrimoine qui se sont déroulées en France le 20 et le 21 septembre 2014, quelques milliers de personnes ont visité le Séminaire orthodoxe russe d'Épinay-sous-Sénart. Quant au journal « Le Parisien », il l’a inclus dans sa liste des vingt endroits les plus intéressants de la région parisienne.
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