Le festival d’Avignon côté OFF
Arrivé à Avignon, l’amateur de théâtre doit se résigner au fait qu’il ne pourra pas en voir la totalité ni même la moitié ni même imaginer le nombre.
« L’Observateur russe » a été accrédité au festival théâtral d’Avignon
Le festival d’Avignon est unique. Il existe deux programmes : un IN et un OFF, un officiel et un non-officiel (sans compter la centaine d’acteurs et de musiciens des rues), ce qui crée une quantité invraisemblable de spectacles. Commençant à 10 H et se terminant au milieu de la nuit, les spectacles, de cinq à vingt simultanément, se jouent dans les nombreux théâtres de la ville, à chaque minute !
Chaque programme a son guide, son « état-major » et sa carte de la ville. S’orienter dans de telles conditions n’est pas simple, et en prenant dans mes mains le guide OFF, je commence à avoir mal à la tête : 200 pages de spectacles avec 3 à 4 spectacles par page ! Il y en a pour tous les goûts : des classiques, des comédies, des spectacles de marionnettes, des concerts etc. … Certains d’une grande qualité et d’autres tout à fait médiocres. Le bouche à oreille et la presse aident, bien sûr, ainsi que la renommée des théâtres.
Par exemple, il est notoire que le théâtre des Halles montre des spectacles qui méritent d’être vus. Cette année, parmi ceux-ci, brillent deux représentations du directeur du théâtre Alain Timar : « Le Roi se meurt », avec six jeunes acteurs de l’académie théâtrale de Shangai (en chinois, sous-titré français) et « O, vous, les frères humains » d’Albert Cohen, spectacle intimiste pour trois acteurs.
Le premier, d’après Ionesco, est un théâtre de l’absurde, étranger et un peu effrayant, une réflexion sur la vie et la mort, parfaitement interprétée par les jeunes et talentueux shangaïens.
La réalisation « moderne », d’inspiration chinoise, l’absence de décoration, le rôle joué par les accessoires et le trou noir de la scène, le contraste des couleurs. Une énorme toile d’aloès apparue des profondeurs comme un flot de sang divise le spectacle en deux actes. Jeu, au début, théâtre plus tard, le spectacle devient philosophie et vie vers la fin. Plutôt, mort. La musique aux paroles chinoises remplit l’espace du théâtre d’une fraîche résonnance.
Le deuxième, d’après Albert Cohen, est de nouveau une réflexion sur l’amour et la mort, la haine et l’hypocrisie et la vanité quotidienne pour laquelle l’homme oublie l’essentiel.
Un garçon juif, se promenant dans les rues de Marseille, est pris à partie par un marchand ambulant, haineux. Il en gardera la cicatrice toute sa vie. Le garçon : l’écrivain lui-même. Le texte d’A. Cohen est une autobiographie où trois acteurs jouent le rôle de l’auteur (le puissant Gilbert Laumord en particulier). Le décor est constitué des murs bariolés d’une chambre, de chaises. Des répétitions hypnotisantes dans le texte, la philosophie et la profondeur aigüe du « narrateur », renforcée par la présence du trio. Et au total, amour et pardon parce que tout le monde est égal devant la mort et voué à celle-ci de la même manière.
Une trouvaille, en contraste avec cette sombre vérité de la vie, fut le conte miraculeux et romantique pour marionnettes« Poids plume » de la compagnie belge Alula, se jouant au théâtre des Dômes.
Une charmante histoire de chouettes vivant dans un grenier. L’une d’elles, Alba, ne veut pas grandir, elle a peur du monde « derrière le grenier ». Et pour ne jamais le quitter, elle ne grandit pas, elle arrête de manger. Une amitié surprenante avec un rat, Gilbert, qui rêve de voir la mer, un souci au sujet deTito, un copain drôle et nigaud et de son retour à la vie. Eclairé d’une lumière chaude et jaune, « le grenier » ainsi que les marionnettes, touchantes et drôles, rappelant Rezo Gabriadze. 55 minutes d’une nuit chouette.
« Si on m’empêchait d’écrire, serais-je prêt à mourir ? » RM Rilke.
En 1903, le jeune poète Franz Xavier Kapus demande conseil à R.M. Rilke en lui envoyant ses vers. La réponse de Rilke est le début d’une correspondance nombreuse entre le poète et Kapus, une véritable œuvre d’art dans laquelle Rilke, répondant à l’espoir et au doute du jeune poète, aborde des questions existentielles sur l’amour, la mort, la poésie, l’art et la solitude. Les lettres, publiées par Kapus après la mort de Rilke, constituent une vraie école de la vie, et sont présentées au théâtre Atelier 44 à la façon d’un mono-spectacle intitulé « Lettres à un jeune poète ». Une tonalité claire-obscure baroque pour le spectacle, une table et une chaise, d’anciens livres, le jeu marquant de Dominique Ferrier dans le rôle de Rilke, un spectacle ayant changé quelque chose dans ma vie.
Au théâtre du Petit Chien, on peut aussi tomber sur un spectacle intéressant : « Le manuscrit de Rembrandt » relate les derniers jours du peintre, au cours desquels il réfléchit sur sa vie, l’amour et l’art. Un texte mystérieux, comportant des vérités, des mensonges, traduit par Raoul Mourgues. Deux acteurs, Rembrandt et Stella (une servante ? Une muse ? Un ange ? Sa dernière compagne ?) donnent vie au Manuscrit. Les couleurs et le décor sont dans le style hollandais, un clair-obscur, une lumière chaude …. Un amour furieux pour la vie du vieux peintre qu’incarne Patrick Floersheim. Rembrandt a dessiné 62 autoportraits ; ses portraits de la société hollandaise aristocratique transmettent une connaissance surprenante de l’âme humaine. Cela et d’autres sujets sont évoqués dans ce mémorable spectacle « Le Manuscrit de Rembrandt », mis en scène par Patrick Courtois.
Les cinq spectacles choisis ne peuvent pas décrire tout le côté OFF, mais ils peuvent montrer sa diversité. Comme du côté IN, chacun a son OFF, son festival à partager.
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Конечно OFF видимо ярче и интереснее просто потому, что он свободнее и шире, поскольку неофициальный. Но если сравнивать описание In и OFF, спектакли OFF просто завораживают. В них чувствуется такая жизненная сила, такая пронзительность. Автор — молодец!
Какой у Вас замечательный блог! И как хорошо Вы пишите! Спасибо) А скажите пожалуйста, есть что нибудь о предстоящем фестивале? На русском и с такими же талантливыми рекомендациями?