Dédiée à un commerçant
Ceux qui ne peuvent pas dormir tranquillement sans avoir vu les peintures des impressionnistes, se rendront évidemment dans les mois qui viennent au musée du Luxembourg, près du jardin parisien du même nom.
Dans tous les cas, c’est plus proche que Washington, Boston, Chicago ou n’importe quelle Norfolk, d’où viennent principalement les peintures exposées. On sait depuis longtemps qu’il y a plus de Renoir aux Etats-Unis que dans sa patrie et il s’avère que le travail des autres artistes français est aussi prisé outre-Atlantique.
L’exposition s’intitule « Paul Durand-Ruel », son titre fait référence au nom du commerçant, dont les mains ont touché la totalité des œuvres impressionnistes. D’ailleurs, les curateurs de l’exposition disent qu’aucune mise aux enchères des artistes de ce courant, où que ce soit sur le globe terrestre, ne peut se tenir sans montrer des tableaux, accrochés jadis dans les galeries de Durand-Ruel.
Pendant sa vie, il a acheté, exposé et vendu des milliers et milliers de Monet, de Sisley, de Degas, de Pissarro, etc. Comme la fois où en une seule année de temps, il a subitement acheté trente peintures d’Edouard Manet. De plus, à Londres dans la célèbre Grafton Galeries, il a monté une exposition d’œuvres impressionnistes d’une telle envergure que personne ne l’a dépassée jusqu’à présent.
« Visionnaire » aiment le qualifier les experts. Mais peut-être qu’il aimait vraiment la peinture et ne s’acharnait pas seulement à anticiper ou regarder vers l’avenir.
Par contre, il était clairement conscient du talent incontesté de certains de ses amis – car ces peintres étaient effectivement ses amis (Renoir fut son ami pendant 40 ans). Au sinon, il n’aurait pas écrit dans une lettre de 1883 : « Il ne suffit pas de créer un chef-d’œuvre. Il faut encore le montrer. »
Durand-Ruel est pratiquement l’initiateur d’une nouvelle profession commerciale – il fut le premier à vendre de l’art moderne. « Sans Durand, nous, les impressionnistes, serions tous morts de faim. Nous lui devons tout. » — a confessé Claude Monet vers la fin de sa vie.
Catholique fervent et monarchiste convaincu, veuf à 40 ans, prenant en charge lui-même l’éducation de ses cinq enfants, « le vieux Chouan », comme le nommait Renoir (les Chouans étaient des paysans bretons contre-révolutionnaires), s’engageait à promouvoir le communard Courbet, l’anarchiste Pissarro, les républicains Monet et Manet.
Une personnalité contradictoire et donc magnétique.
En plein automne, il est agréable de regarder les impressionnistes. Les rayonnements du soleil, les pavots, les chapeaux de paille, la vie insouciante, paisible éloignent le cafard saisonnier.
Ceux qui aiment battre la campagne française, voyageant d’un village à l’autre, se sont rendus plus d’une fois sur les allées encadrées par des arbres centenaires, dispensant une ombre agréable dans la chaleur torride de l’été. « Quel âge ont-ils, combien de temps leur a-t-il fallu pour atteindre cette hauteur ? » — aucun voyageur ne fait le fier face à une telle question. 150 ans sont passés depuis que Claude Monet a entrepris, après ses célèbres meules de foin, de peindre ces arbrisseaux encore jeunes, s’élançant à peine. Et c’était à la fin du XIXème siècle. Maintenant cette série de peupliers repose au musée des beaux-arts de Philadelphie.
Les amateurs des alentours de Paris seront agréablement surpris de découvrir dans l’exposition des peintures vieilles de plus de 100 ans avec des paysages facilement reconnaissables. Les routes ont été goudronnées, les barques ont cédé la place aux bateaux, mais tout le reste est demeuré comme autrefois, les mêmes maisons, les mêmes ruines de forteresse.
Il semble d’ailleurs que la saleté dans les rues de Paris ne soit pas une marque distinctive de notre temps : sur les toiles de Renoir, les demoiselles dansent joyeusement avec des cavaliers, sans se soucier des mégots sous leurs pieds.
Et déjà au dix-neuvième siècle des foules de gens sont visibles dans les lieux publics. Sur la peinture du jardin des Tuileries de Monet, on y voit même plus de chapeaux melons que d’arbres.
Au musée du Luxembourg jusqu’au 8 février 2015.Laisser un commentaire
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