Iakoutsk selon Steeve Iunker
Les grilles de l’allée centrale du Jardin des Plantes de Paris accueillent l’exposition « Villes Extrêmes ». C’est l’une des étapes du projet pluriannuel du photographe suisse Steeve Iunker. La ville boréale Iakoutsk y représente la ville du froid extrême sur le globe terrestre.
« L’Observateur Russe » a interviewé Steeve Iunker quant aux particularités du travail dans le Grand Nord.
O.R. : Comment est né votre projet « Villes Extrêmes » ?
S.I. : C’est juste la constatation d’un fait. Dans un futur très proche, 70% de la population du globe vivra dans des mégapoles, entourées de gigantesques taudis. J’ai compris qu’il fallait décrire ce processus, d’une façon ou d’une autre.
O.R. :Pourquoi avez-vous choisi Iakoutsk pour la ville la plus froide du monde ?
S.I. : J’ai simplement cherché sur Google « ville la plus froide du monde » ! En hiver, la température descend en-dessous des 50°C. J’ai aussi été attiré par le fait que Iakoutsk est une grande ville, très peuplée : plus de 270 000 personnes y vivent !!! Et accessoirement par la richesse de son histoire : la ville a été fondée en 1632 par des cosaques.
O.R. : Comment s’est déroulé votre séjour à Iakoutsk ?
S.I. : J’ai passé deux semaines à Iakoutsk. Je vivais dans un appartement, chez une femme Iakoute. Je suis tombée sur elle via les amis de mes amis. Je ne parle pas russe, et je n’y ai rencontré personne qui parlait français ou anglais. Le guide de conversation franco-russe ne m’a pas beaucoup aidé. J’étais donc gêné de photographier les gens sans leur consentement ; et il n’y a finalement pas beaucoup de portraits dans la collection de photos de Iakoutsk.
O.R. : Vous supportiez le froid sans difficultés particulières ?
S.I. : Le froid, je l’ai ressenti dès l’aéroport. La fille de mon hôtesse, qui venait à ma rencontre, a d’emblée très soigneusement vérifié mes vêtements. Au début, je dois avouer que ce n’était pas une surprise très plaisante, mais quand je suis sorti, j’ai compris la nécessité de se protéger réellement du froid : ce ne sont pas des mots vides de sens. Plus tard, en observant les Iakoutes et leurs manières de supporter le froid, j’ai réalisé qu’ils ne se différenciaient pas de moi d’une endurance au froid toute particulière : ils étaient juste mieux équipés.
R.O. : Vous était-il difficile d’opérer ?
S.I. : Oui, c’était une affaire risquée, même si je m’étais bien préparé. J’utilisais un appareil photo à pellicule, mais je ne pouvais de toutes façons pas travailler dehors plus de 10 minutes : l’appareil s’éteignait, tout simplement, et mes doigts s’ankylosaient.
O.R. : Comment vivent les habitants de la ville la plus froide ?
S.I. : Ils passent très peu de temps dans la rue. Tous ceux qu’on croise ne font qu’aller d’un point A à un point B, pour arriver au travail, au magasin, chez des amis. Dans la rue, personne ne parle. Les gens sont très chaudement habillés, et à cause du brouillard, ils sont difficiles à distinguer ; on croirait voir des fantômes immatériels. Même les rues sont pratiquement invisibles à cause du brouillard, tout se ressemble. Je n’ai toujours pas compris comment les Iakoutes arrivent à les différencier, ou à se repérer .
O.R. : Comment se socialisent-ils alors, comment communiquent-ils ?
S.I. : A l’intérieur, dans leurs appartements très chauds. Mon hôtesse recevait souvent des amies et des parents, et j’étais invité à leur table. Je pouvais sentir les sentiments chaleureux qui liaient ces gens, même sans rien comprendre à ce qui pouvait se dire.
O.R. : Qu’est ce qui vous a étonné chez les Iakoutes ?
S.I. : A Iakoutsk, je n’ai pas rencontré de russes, je vivais dans un cercle ethnique purement iakoute. Ce qui m’a surpris, c’est qu’ils s’identifient et se considèrent non pas comme asiatique, mais justement bel et bien comme russe ! Alors qu’ils sont à 5 000 km de Moscou !
O.R. : Dans votre exposition, on peut trouver plusieurs photos du mémorial de Lénine. Il vous a particulièrement touché ?
S.I. : Cette statue est située sur la place centrale de la ville, la Place Lénine. Il était un temps où Lénine symbolisait une autorité puissante et foudroyante. Maintenant, cette idéologie appartient au passé. Mais cette sensation de la puissance passée est restée. La statue rappelle maintenant la force d’un empire disparu.
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Дико извиняюсь, но на первой фотграфии не Ботанический сад, а Люксембургский!
Е-мое — поспорим на 10 евро??
Вы правы, дико извиняюсь