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Pourquoi les zazous font leur retour en Russie

Maria Kouzmina10:18, 17 mars 2017RencontresImprimer

La projection des Zazous (Stilyagui en russe), comédie musicale réalisée par Valeri Todorovski, a été l’un des événements marquants du festival du cinéma russe qui s’est tenu du 6 au 14 mars à Paris sous le thème général « Quand les Russes chantent ».

В.Тодоровский в Париже | V. Todorovski à Paris. Crédit photo: Maria Tchobanov

 

 

 

Les comédies musicales sont un phénomène assez rare dans le cinéma russe.

Un genre qui a même pratiquement disparu du septième art de la Russie post-soviétique. Le spectateur actuel n’est pas attiré par les histoires naïves, dans lesquelles les personnages se mettent subitement à danser ou communiquent en chantant. Et pourtant, à sa sortie en décembre 2008, Les Zazous est resté perché en tête du box-office russe pendant plusieurs mois.

La comédie musicale a soudainement soulevé une vague de nostalgie au sein du public et déclenché une mode d’imitation des stilyagui, ces représentants d’une sous-culture soviétique des années 1950. Dans les soirées d’entreprise, les bals de promo et les émissions de télévision, on voyait soudain des robes longtemps oubliées au style new-look, des vestes à carreaux et des cravates aux couleurs improbables, et l'on entendait résonner du swing, du rock’n’roll et du boogie-woogie.

Aux uns, ce film sur l’amour et la volonté d’être différent des autres en Union soviétique a rappelé leurs années de jeunesse, pour les autres, c'était une vraie découverte. En effet, le phénomène des stilyagui est passé sous silence dans l’art soviétique et post-soviétique.

Les premiers stilyagui (le terme a été introduit par la revue satyrique Krokodil en 1949 pour désigner les imitateurs soviétiques des teddy-boys) ont fait leur apparition à Moscou à la fin des années 40. Dans les années 50, cette sous-culture inspirée par le mode de vie américain, dont les images étaient principalement tirées des films comme Sun Valley Serenade de Bruce Humberstone, gagna toutes les grandes villes du pays.

Les stilyagui affichaient un apolitisme assumé, un certain cynisme dans les jugements et une attitude négative ou indifférente à l’égard de certaines normes de la morale soviétique. Les stilyagui se distinguaient par une manière particulière de parler (ils utilisaient un argot spécial) et un intérêt vis-à-vis de la musique et la danse étrangères. Mais c’est bien leur style vestimentaire particulier qui constituait la carte de visite des stilyagui.

L’image des stilyagui évoluait : vêtements amples aux couleurs vives dans les années 40, pantalons cigarette au milieu des années 50, puis habits de marques américaines achetés au marché noir ou rapportées par les papas-diplomates des voyages à l’étranger. Enfin, le renoncement à la volonté d’épater ouvertement à la fin de l’époque de Khrouchtchev.

Pourtant, dans l’imaginaire du public, le stilyagui typique est toujours vêtu d’un pantalon court très moulant, d’une chemise de couleur vive, d’une veste à carreaux à grosses épaulettes, de bottines à haute semelle en caoutchouc ou de chaussures à bout pointu, le tout accompagné d'une cravate « incendie dans la jungle » ou fine. Les stilyagui avaient les cheveux longs, les filles portaient la coiffure « Babette » (comme Brigitte Bardot dans le film Babette s'en va-t-en guerre) ou des coupes courtes à frange.

Les stilyagui voulaient à tout prix se démarquer et s’opposaient aux autres. Leur mouvement défiait les mœurs établies régies par la règle du « profil bas ». Ce comportement était perçu par les responsables du pays comme un culte de l’Occident et un mépris de l’esthétique et de la morale du bolchevisme, aussi était-il estampillé comme hostile au peuple soviétique.

Dans les années 50, le jazz et les danses étrangères étaient pourchassés, car considérés comme source de perversion des jeunes. Une campagne massive fut menée contre les stilyagui, des brigades de komsomol (jeunesses communistes) furent formées pour les traquer, leur couper les cheveux et découdre leurs pantalons cigarette. La presse raillait leur apparence et leurs manières. Les stilyagui étaient régulièrement exclus du komsomol et des universités.

L’administration communiste voyait une menace idéologique dans l’amour de ces jeunes pour la culture occidentale et, jusqu’au milieu des années 60, les stilyagui tombaient sous la coupe du principe « Aujourd’hui il danse le jazz, demain, il vendra sa Patrie ».

Les stilyagui peuvent être considérés comme la première association informelle de jeunes en URSS. « Je ne suis ni mieux, ni moins bien que les autres, je veux être moi-même. Je veux que tout le monde puisse être soi-même, car nous sommes tous différents », explique le personnage principal du film de Todorovski Mels à son ancienne camarade, la responsable du komsomol Katya. Ces propos reflètent l’essence-même du mouvement des stilyagui.

« Ce phénomène m’a toujours plu et intéressé, ne serait-ce que parce que, dans un pays si fermé, où tout était interdit, ces gens ont décidé d’être différents des autres. Je me suis dit qu’une comédie musicale sur les stilyagui serait très organique, car la chanson et la danse étaient pour eux un moyen de s’exprimer et de communiquer avec le monde alentour. Pourtant, ce n’est pas la musique, mais le désir de se démarquer de la foule qui était au cœur de ce phénomène.

C’est un désir éternel, donc le sujet du film est également éternel. Quand j’ai montré le film aux États-Unis, l’acteur Tom Hanks m’a écrit : +Ça parle de moi+. Et ce alors qu’il vivait dans un pays où il n’y avait pas vraiment d’interdits. C’est l’histoire des gens qui veulent avoir leur propre visage. Cela peut s’exprimer de manière très naïve, avec des chaussettes criardes et des coiffures provocantes, mais cela cache l’envie de se libérer du carcan, d’être un individu, de briser les stéréotypes. C’est ça, l’histoire des stilyagui », nous confie Valeri Todorovski.

Le réalisateur estime que le thème des interdits et de la liberté est toujours d’actualité en Russie et qu’il restera important pendant encore longtemps. Même aujourd’hui, en se parant de costumes de stilyagui dans les soirées, les Russes cherchent peut-être inconsciemment à être différents et à se démarquer, ne serait-ce que pendant quelques heures.

Dans la dernière scène du film, Mels et son amie marchent dans la rue centrale de Moscou entourés de milliers de jeunes gens des années 80, 90 et 2000 – rockers, goths, rastas, punks – tous ceux qui n’ont pas hésité à jeter les vêtements gris et à devenir différents, indépendamment de l’époque et du régime politique.

« Ce qui nous reste, c’est que les stilyagui, sans exprimer une opinion politique, ont un peu ébranlé le système. Une microfissure s’est formée et ils s’y sont engouffrés. Certains se sont cassés les dents, d’autres ont souffert, mais ils ont élargi cette fissure. Puis, quelques années plus tard, tout le monde avait le droit de s’habiller avec des couleurs vives, de danser sur la musique qu’on voulait et de s’embrasser dans la rue. La liberté se gagne. Les premiers stilyagui, ceux dont parle mon film, le faisaient au péril de leur vie. Ils ont ouvert la voie à des millions de gens qui n’étaient certes pas des stilyagui, mais qui étaient plus libres. C’est le sujet qui est au cœur de mon film », résume Valeri Todorovski.

RBTH

Un commentaire

  1. влад dit :

    странно, что нет хиппи

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