Discussion à Yalta concernant le futur de la 5ème République
Cette interview nous a été envoyée de Crimée, plus précisément, de « L’Écho de Crimée ». Son rédacteur en chef, Natalia Gavrileva était présente au meeting consacré aux 70 ans de la conférence de Yalta.
De nombreux experts n'ont pas résisté à la tentation de souligner que Minsk-2 a eu lieu un 11 février, le même jour que la fin de la conférence de Yalta 70 ans auparavant, qui annonçait les principes qui allaient régir la vie d'après guerre. Cette conférence avait alors commencé le 4 février. Et c'est justement le 4 février – de nos jours, cette fois – que l'on discute dans le Palais de Livadia à Yalta avec le politologue et expert analyste du groupe « Sokol » Xavier Moreau.
— Monsieur Moreau, le leader de la France était absent à Yalta en 1945. A vos yeux, qu'est ce que la France aujourd'hui ?
— Ce n'était pas une époque agréable pour la France : nous venions de perdre la guerre face à l'Allemagne. C'est après qu'il y a eu la Résistance, qu'une armée a été créée, mais avant Yalta, jusqu'à fin 1944, on ne nous considérait pas comme vainqueurs. Nous étions dans une situation délicate, mais grâce au Général de Gaulle, nous avons sauvé nos positions. Nous avons même eu une place de membre permanent à l'ONU. Et nous avons signé la paix avec la délégation soviétique.
— La France à donc sauvé l'honneur.
— Le Général de Gaulle a utilisé le soutien de l'URSS, puis Churchill a utilisé la France, parce que la Grande-Bretagne était effrayée de se retrouver seul contre l'Union Soviétique, qui à l'époque était très forte. Et il faut noter que jusqu'en 1950, tout le monde craignait que l'Allemagne ne se soulève à nouveau et commence à préparer une nouvelle guerre.
— Peut-on dire que la conférence de Yalta a posé les fondements de la France politique contemporaine ?
-Les principes sur lesquels le Général de Gaulle a insisté, c'est l'équilibre du pouvoir entre l'URSS (désormais, la Russie) et les anglo-saxons. Il en parlait avec Staline en décembre 44. Mais sa visite en URSS n'était pas particulièrement réussie : il n'a pas eu ce qu'il voulait, et après un mois il s'est tourné vers les Etats-Unis… Sa position était faible : on ne pouvait pas qualifier la France de victorieuse dans la guerre mondiale. L'économie était basse, et les problèmes internes nombreux.
-Peut-être que c'est justement parce que Charles de Gaulle n'a pas su trouver le juste milieu de cet équilibre qu'il a si mal fini, politiquement parlant ?
— C'était avant 46, il était soumis à beaucoup de pression de la part du Parti Communiste, et il est parti. Mais en 58, il est revenu, et il a fait…
-La Cinquième République…
-Oui, oui. Et alors, l'URSS a compris, ce que De Gaulle attendait d'eux. Dès 1960, l'Union Soviétique a compris qu'ils ont en France quelqu'un a qui ils peuvent s'adresser. De Gaulle a alors quitté l'OTAN, des dizaines de bases militaires ont quitté le sol français ; il ne faut pas oublier que l'on avait beaucoup d'armes américaines sur notre territoire. Et lorsque De Gaulle a annoncé, que la France ne renoncera pas au rattachement du franc à l'or, il a eu Mai 68.
-Xavier, la France et la Russie ont toujours été proche, spirituellement, malgré les différences de système, de foi. Mais ce n'est pas pour rien que toute la noblesse russe parlait français, et les tsarines partaient vivre en France… Comment expliquer qu'au sein de l'Europe actuelle, la France s'éloigne de la Russie, comme c'était le cas avant la Seconde Guerre Mondiale ? Quelles peuvent en être les conséquences ?
— C'est aussi lié au fait que l'on a perdu la guerre en 1940. Et ça nous cause encore des problèmes personnels.
— ...psychologiques.
— Oui. Nous nous respectons les uns les autres, mais les présidents ayant suivi Charles De Gaulle manquaient d'ambition : ils ne croyaient pas que la France pourrait à nouveau être une puissance mondiale. Et c'est encore ainsi – peut-être même pire aujourd'hui que ça ne l'a jamais été.
-C'est sans espoir ?
— Non non ! J'ai parlé à de nombreuses personnes en France, des gens de la nouvelle génération impliqués en politique, qui manifestaient dans la rue contre le mariage pour tous. Ils vivent dans un monde plus cruel que celui de mes vingt ans. Ils veulent changer ce monde, et beaucoup d'entre eux nourrissent des ambitions politiques et des opinions pro-russes.
-Les opinions ne changent la société que lorsqu'il y a un leader passionné…
— En Russie, il y en a déjà un, pour l'instant on attend encore le notre… La Russie a démontré que c'était possible. Rappelez-vous, en 1999, Brzezinski a dit que c'est fini, la Russie se fissure, qu'il n'y aura pas une ou deux Russies, mais quatre-cinq morceaux. En quelques années seulement, Poutine a remis la Russie sur ses pieds, et aujourd'hui c'est l'un des pays les plus puissants au monde. Et elle a un pouvoir positif, parce qu'elle essaie de stabiliser le monde entier.
— Ces opinions pro-russes, pro-russiennes, sont-elles plus propre à la jeunesse intellectuelle ou aux businessmen ?
— Aux businessmen. On peut le dire sans aucun doute, la majorité de ceux qui sont intéressés par des liens étroits avec la Russie sont des hommes d'affaire. Aujourd'hui, pour déchiffrer les informations, on se sert d'internet. Mais c'est encore une question de générations : les retraités regardent les infos à 13 et 20 heures, et leur font confiance. Ceux qui s'intéressent à la politique font davantage confiance à internet. D'ailleurs, il y a eu un article dans « Le Monde » sur le fait que Poutine a gagné la guerre idéologique. Notre centre analytique a réalisé une vidéo sur la Russie, l'a mise sur YouTube, et en moins d'une journée, elle comptait plus de 6000 vues. J'ai réalisé une vidéo sur ce qui se passe au Donbass, et très vite il a eu plus de 20 000 vues. Beaucoup de personnes désirent savoir ce qu'il se passe réellement. Ils vont sur internet et trouvent les informations qu'ils cherchent.
-Les médias en France…
— ... sont américains à cent pourcent ! Ils tiennent tous le même discours...
— Et les médias locaux, régionaux ? Existe-t-il des médias français ?
-Ils existent, mais ils ne représentent pas plus de 20 pourcents. Plus de 80 pourcent de la population ne s’intéresse pas à la politique mondiale. Ce n'est pas qu'ils ne savent pas où se trouve le Donbass, ils ne sauraient même pas pointer l'Ukraine de l'Est sur une carte. Beaucoup sont persuadés que les russes sont des barbares. Mais il y a aussi des personnes engagées, qui comprennent ce qu'il s'y passe.
-Nous savons que Marine Le Pen a des points de vue très différents de ceux du pouvoir en place. Sa position est-elle forte ? A quel point peut-elle, à votre avis, être utile à la France ?
— Les prochaines élections présidentielles sont dans deux ans et demi. Elle avance des thèses sur la nécessité de sortir de l'OTAN, puis de la zone euro, et développer de bonnes relations avec la Russie. C'est pourquoi son programme plaît à beaucoup. Il existe d'autre mouvements, de petits partis qui veulent la même chose, comme « Debout la France ! ». Il nous faut juste être plus actifs, utiliser internet avec plus de courage : nous sommes en démocratie, et internet représente la liberté d'expression. Le système des médias est notre problème.
-Dans mon esprit, l'UE repose sur trois baleines : l'Allemagne, la France, et la Grande-Bretagne. Vous parliez de trauma psychologique des français. Selon vous, les français sont-ils conscient qu'ils font partie de ce triplet ?
-La Grande-Bretagne, c'est un État à part. Elle a sa place dans l'Europe, mais elle n'en est pas la « locomotive ». Les deux « locomotives » de l'Europe sont l'Allemagne et la France. La France agit aujourd'hui comme un État fort. Mais le vieux système mis en place dans les années 60 qui a menés à la révolution de 68 a créé un monde où l'on étudie plus l'histoire. Oui, ce qui s'est passé en 40 nous hante, mais il ne faut pas oublier que nous avons plus d'un millénaire d'histoire derrière nous. Il y a eu des victoires comme il y a eu des défaites. Il faudrait juste expliquer aux français qu'ils ne sont pas nés hier…
...A Minsk-2, François Hollande et Angela Merkel ont pris sur eux une part de responsabilité de ce qui se passe au cœur même de l'Europe, en Ukraine. Si l'on compare les photos avant et après les négociations, le président français avait l'air content, pour ne pas dire heureux. Il n'a pas seulement fait un pas historique dans la bonne direction, car avec lui, c'est la France entière qui a fait ce pas. Et c'est un pas dont les français n'auront pas à rougir.
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Этот маленький шажок в правильном направлении Оланд сделал прежде всего потому, что заранее знал, что это повысит его рейтинг в общественном мнении, очень упавший после выборов ( он слегка повысился в связи с его действиями после расстрела редакции Шарли Эбдо и как же было не воспользоваться еще и этим случаем? Не было бы счастья, да несчастье помогло!). Но история должна помнить о большом позоре Франции, когда она, как и другие страны, не настояла на том, чтобы подписанное Европой соглашение с Януковичем о мирном разрешении конфликта соблюдалось украинскими националистами-бандеровцами, совершившими путч на следующий же день после его подписания! Pacta sunt servanda-договоры должны соблюдаться-основополагающий принцип международного права! Если бы Европа, в данном случае-Франция, настояли на соблюдении соглашения и не признали взятия власти путчистами, то-подумайте только!-все разрешилось бы мирно, без совершенного и продолжающегося кровопролития! Так кому же, как не Европе исправлять свою ошибку? Но мы-то должны ее спросить: а было ли то ошибкой? Ведь все говорит о сознательном допущении путчистов до власти в Украине, а, стало быть, Европа должна тоже нести ответственность за все жертвы и разрушения!
Оказывается, мир на Украине кому-то как кость в горе! Вот только — кому?
Евгению Герасимову. Ваш комментарий – нечастый на Русоче, с которым я полностью согласен.
Трифону. Мир не только на Украине, но и повсюду «кого-то» не устраивает. За Украиной явно просматривается другая цель-Россия. Кто читал историю России любого автора-Ключевского, Соловьева и др. -не может не сделать вывода, что во все века России не давали покоя-не только воевали с ней, но и вовлекали в свои войны, тем самым разоряя ее, на давая шансов на развитие. А почему? Да просто потому, что огромная, экономически развитая, богатая, а потому мощная Россия представлялась им чрезвычайно опасной для их интересов и даже самого существования. Об этом красноречиво говорит приписываемая Бисмарку мысль о том, что нельзя допустить крепкого союза России с Украиной и Белоруссией, ибо тогда она станет просто непобедимой! Нужно, мол, использовать все возможности для разжигания всяческих конфликтов внутри них и между ними. Соображаете на что пошли те $5млрд, о которых проболталась В. Нуланд? Сразу же после ВОВ Эйзенхауэр сказал, что Гитлер был дурак, что полез на Россию влоб, ведь всегда будет большой, слабо защищенный тыл. По его мнению, Россию надо брать как медведя в берлоге-обложить охотниками и сунуть факел, чтоб потом бить наверняка. И начали было обкладывать военными базами, но помешал процесс деколонизации, но зато потом продолжили и продолжают до сих пор, об этом хорошо говорил Путин. А совсем недавно Х.Клинтон прямо заявила: мы не позволим Путину создать второй СССР! Убежден: именно отсюда и «растут ноги» многих конфликтов и войн, в частности!-на Украине.
Евгений, все четко сказано. Шапо!
А не валят и с больной гоовы на зхдоровую, эмициональный вы мой?