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Prières de rue : et si on faisait tout ce qu’on a envie dans les rues ?

par Anna Ashkova0:44, 14 novembre 2017OpinionsImprimer

Le 10 novembre, une centaine d’élus a manifesté à Clichy contre les prières de rue musulmane. Un fait rare qui se produit en France et qui nous pousse à réfléchir à la liberté du culte en France et à la liberté tout court.

Capture d'écran LCI

Depuis huit mois, tous les vendredis, plusieurs dizaines, voire des centaines de fidèles musulmans font une prière de rue en face de la mairie de Clichy, à Clichy-la-Garenne, dans les Hauts-de-Seine.

En cause, le 22 mars, la police a évacué la salle de prière d'Estienne d'Orves qui accueillait quotidiennement entre 3 000 et 5 000 fidèles. Cette salle avait été aménagée sous la précédente municipalité PS et louée sous un «bail précaire» à l'Union des associations musulmanes de Clichy (UAMC), qui voulait la racheter. Mais une fois le bail venu à son terme, le nouveau maire Rémi Muzeau (LR), élu en 2015, avait décidé de transformer le lieu de culte en médiathèque.

Les fidèles musulmans ne se sont pas retrouvés pour autant à la rue. En effet, en compensation, Rémi Muzeau avait inauguré un nouveau lieu de prière dans sa ville, à 1,5 km de là. Hélas, l'UAMC a estimé que cette nouvelle mosquée de 2 000m² des Trois-Pavillons est trop excentrée, mal desservie par les transports en commun et trop exiguë. Pour montrer leur mécontentement, ils ont décidé de faire la prière dans la rue, sous les fenêtres du bureau de l’édile, jusqu’à avoir un lieu de culte définitif et correspondant à leurs exigences.

Excédé, et après avoir écrit au ministère de l'Intérieur et à la préfecture, en vain, Rémi Muzeau a décidé de faire une action coup-de-poing : une manifestation avec tous les élus qui le veulent. Ainsi, le 10 novembre dernier, la France a assisté à une scène peu commune. A la mi-journée, une centaine d'élus du Conseil municipal, des villes voisines et du Conseil régional, écharpes tricolores autour du cou, défilaient et chantaient la Marseillaise alors qu’en face, des musulmans étaient en train de prier sur le trottoir.

«Nous sommes dans un pays où l’on ne prie pas dans la rue. Les règles de droit sont bafouées», avait déclaré Valérie Pécresse, présidente de l'Île-de-France, également présente lors de la manifestation. D'après Théo Maneval, journaliste à Europe 1 présent sur place, les élus, Rémi Muzeau en tête, ont fini par bousculer les personnes en train de prier, afin de les déloger physiquement de la rue.

«La liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres»

«La liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres». Cette phrase d’un anarchiste russe, Mikhaïl Bakounine, semble correspondre à ce qui s’est passé à Clichy.

En effet, sur BFMTV, les musulmans se sont montrés mécontents par la manifestation des élus. Ils estiment ne pas perturber l’ordre public, se disent Français et font appel à la devise française écrite notamment sur les mairies : « Liberté, Egalité, Fraternité ».

Tout d’abord, il est difficile de croire que les prières dans les rues passantes, avec des micros, ne perturbent pas l’ordre public. Puis, ce n’est pas leurs origines qui sont remises en cause, donc l’argument « nous sommes Français » n’a pas lieu d’être. In fine, en parlant de la devise de la France, n’oublient-ils pas la laïcité ?

D’ailleurs, c’est avec ce même argument que le Conseil d'Etat a interdit l’installation de crèches de Noël dans des Hôtels de ville, comme à Béziers par exemple, ou encore a ordonné la suppression de la croix au-dessus d’une statue de Jean-Paul II offerte par l'artiste russe Zurab Tseerteli à Ploërmel (Morbihan). D’ailleurs, c’est assez absurde d’enlever une croix sur cette statue en s’appuyant sur la laïcité et garder la statue elle-même qui représente un Saint ! En effet, l’ancien pape a été canonisé en 2014. Mais c’est déjà un autre sujet.

Pour revenir aux prières de rues. Les musulmans de Clichy brandissent notamment, comme on l’a déjà indiqué plus haut, l’argument de la devise française. Dans celle-ci figure le mot liberté. Or, la liberté a des limites.

«La liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres». En priant dans la rue, les musulmans de Clichy enfreignent donc la liberté des autres qu’ils soient athéistes ou croyants. Si les commerces ne peuvent pas fonctionner normalement et que les Clichois ne peuvent pas circuler librement dans leur ville, comme le témoigne sur France 2 le maire de Clichy, alors ils sont privés de leur liberté. Dans ce cas, ce sont même les principes de la démocratie qui sont bafoués.

In fine, une question se pose. Ces prières de rues ne sont-elles pas des provocations, voire du prosélytisme ? Comme l’indique M. Nicolas Cadène, rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité, dans son interview à RMC et Numéro 23 en juin 2017, « en droit, le prosélytisme ce n’est pas le signe, c’est le comportement ».  Dans ce cas de figure, ce comportement pose-t-il problème ?

 

« Les constitutions des pays et les droits de l'homme ne peuvent pas rivaliser avec les idéaux religieux » 

Par exemple, en Espagne, où après le régime de Franco d'autres religions et confessions, à l'exception du catholicisme, ont commencé à recevoir un statut officiel (mais pas des droits égaux, puisque l'Église catholique a un concordat avec l'État espagnol), des orthodoxes, qui sont en minorité, comme les musulmans en France, cherchent parfois pendant plusieurs années des lieux de culte.

Il y a trois ans, dans la ville de Saint-Sébastien, la communauté russe orthodoxe s'est vue proposer de se déplacer du centre-ville vers la périphérie, plus précisément dans la banlieue d'Errenteria. La situation est similaire à celle des musulmans de Clichy, mais les orthodoxes n'ont pas décidé de faire la messe devant la mairie de la ville. Pourquoi ?

Nous avons posé la question à l'archiprêtre Georges Ashkov, recteur de cette communauté. « Tout simplement parce que nous respectons les lois et la culture du pays qui nous a adopté. Nos croyants s'intègrent dans la société, apprennent les langues. A Saint Sébastien, on ne parle pas uniquement l'espagnol mais aussi le basque. Nous préservons soigneusement nos traditions et en même temps respectons les traditions locales, surtout religieuses », répond Père Georges.

En même temps, le prêtre se dit surpris par l’attitude contradictoire des autorités françaises : « Les maires protestent contre les prières musulmanes dans les rues et en même temps l’Etat décide d’enlever une croix sur un monument chrétien. Il y a une substitution de concepts. La religion est une partie spirituelle de tous les peuples car elle forme les traditions et la culture.

Pour rappel, le mot culture, dans les langues européennes, tire ses racines du mot culte. Si vous évincez le christianisme de la vie publique, alors une autre religion avec une autre tradition et culture différente viendra à sa place. Par exemple, dans l'Union soviétique, toutes les religions ont été persécutées, et l'athéisme est devenu un pilier de la nouvelle idéologie. Cependant, une nouvelle quasi-religion avec le culte du chef a rapidement commencé à se développer avec ses quasi-reliques dans le mausolée, le « baptême » des pionniers, des défilés les jours fériés avec des portraits des membres du Parti du Comité central — comme une imitation des processions de l'église avec des icônes et d'autres attributs.

En dépit du fait que les normes morales religieuses avaient et ont encore aujourd’hui en partie une place dans les lois des différents pays, la racine du problème est ailleurs.

Les constitutions des pays et les droits de l'homme ne peuvent pas rivaliser avec les idéaux religieux, ils ne peuvent pas les remplacer, car ce n’est pas la même chose. Par conséquent, il est complètement incorrecte pour les Français, même athées, d'abandonner leur histoire, car c'est un rejet de leur culture, qui s’est largement constituée grâce au culte chrétien ».

 

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