Les Flamands oubliés
L'exposition « François Ier et l'art des Pays-Bas » au Louvre.
Ce n'est pas tant qu'ils sont oubliés mais que la mémoire historique a effacé leur origine.
Demandez, même à un amateur de peinture, d'où vient le peintre Jean Clouet ? Il vous répondra sans aucun doute qu'il est Français.
Il est arrivé la même histoire à Corneille de La Haye, devenu Corneille de Lyon. Les conservateurs du Louvre estiment qu'à leur époque, ils n'étaient pas Français et qu'on les considérait justement comme Hollandais ou Flamands.
D'un autre côté, quel était le territoire français à cette époque et où se trouvaient ses frontières ? Les Pays-Bas incluaient alors la Belgique, le Luxembourg et même des territoires aujourd'hui français, notamment Arras, Valenciennes, Verdun, Metz, Bourg-en-Bresse, sans parler de Strasbourg.
Qu'est-ce qui a inspiré les conservateurs du Louvre pour l'exposition des Flamands oubliés ?
Les travaux de restauration du musée sont une des raisons. Ces dernières années, 140 salles du Louvre ont été restaurées et 1500 œuvres d'art examinées en vue de leur conservation. Au cours de ce travail il est apparu que les peintres de l'époque de François Ier venus du Nord étaient aussi importants que les invités italiens.
Les commissaires de l'exposition voulaient souligner que la France n'est pas accueillante uniquement en ce qui concerne Léonard de Vinci et Andrea del Sarto (ce dernier fût aussi invité par François Ier mais retourna vite à Florence).
La France, dont l’accueil s'exprimait à tous les niveaux, des actes de l'Etat à l'opinion publique au sens large, était un pays d'asile. Qui venait en France apportait avec lui son expérience et enrichissait ainsi ce pays.
« Comme s'il avait fallu toute la finesse du goût septentrional, toute sa spiritualité, tout son sens du concert pour contrebalancer le prestige et le brio antiquisant et impérial de l'Italie » — a écrit dans le catalogue de l’exposition Sébastien Allard, directeur du département des Peintures.
Quoi qu'il en soit, ces Hollandais, arrivés un jour en France, transformés en Français, semblent maintenant redevenir Hollandais.
Une explosion artistique s'est produite au début du XVIe siècle aux Pays-Bas, plus précisément à Anvers ; la ville est devenue le centre de gravité et de diffusion des nouvelles modes en peinture, sculpture et vitraux.
Jean Clouet, figure centrale de l'exposition
Natif de Valenciennes, et donc par conséquent, à l'époque, non Français, il mourut, selon les termes mêmes du roi, « non natif de notre royaume ». Ce faisant, il possédait le statut de portraitiste officiel de François Ier.
Jean Clouet diffusa en France le genre du médaillon. Il réalisa des portraits miniatures de toutes les collaborateurs du roi ayant pris part à la célèbre bataille de Marignan. Malheureusement, il signait rarement ses toiles, et on ne lui reconnaît ainsi aujourd'hui avec assurance que douze tableaux.
Au palais royal, Jean Clouet rencontra Léonard de Vinci et étudia ses travaux. Les experts considèrent que les dessins de Clouet portent la marque d'une analyse en profondeur des techniques du génie italien.
Les Maîtres d'Amiens
A cette époque, tous les peintres ne laissaient pas leurs initiales dans un coin de leur toile. Les conservateurs des musées doivent ainsi souvent se contenter de quelques attributions telles que « Maître d'Amiens ».
Aussi, Amiens, ou plus exactement ses maîtres, étaient-ils à la mode au début du XVIe siècle. La France, tout comme les autres pays proches, achetaient frénétiquement des autels d'Anvers pour les cathédrales et les églises. On peut admirer aujourd'hui ces œuvres au Louvre ou encore, outre-Atlantique, au musée de Philadelphie.
Les vitraux ont aussi été touchés par cette participation anonyme. On a réussi, grâce aux miniatures conservées dans d'anciens manuscrits, à faire des parallèles et à attribuer que ces vitrages ont été réalisés à partir des cartons de Noël Bellemare. Ce nom a été une réelle découverte de ces trente dernières années. On peut voir, à proximité du Louvre, dans l'église Saint-Germain-l'Auxerrois des vitraux réalisés selon ses esquisses.
Une équipe véritablement internationale (Français, Italiens et Flamands) a travaillé à la construction du château de Fontainebleau si cher au cœur du roi. Pour la décoration des salles, François Ier fît venir des Pays-Bas des tapis bruxellois, brodés de fils d'ors et d'argents, de la vaisselle, des chandeliers et divers ornements en métaux précieux.
Presque rien n'est parvenu jusqu'à nous. Durant la Révolution, ces objets ont été brûlés afin d'en extraire l'or et l'argent.
Il ne reste de ces chefs-d’œuvre que des inscriptions dans divers ouvrages.
Musée du Louvre
« François Ier et l'art des Pays-Bas »
Jusqu'au 15 janvier 2018
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