Qui n’a pas reçu au moins une fois dans sa vie des lettres d’amour…Des mots d’écoliers froissés dans une boule de papier et jetés furtivement où est écrit « je t’aime » qui en valaient la peine, le cœur s’est réjoui et a exulté. Aujourd’hui, tout est différent. Des discussions couchées sur le papier, il ne reste plus aucune trace. Les messages stériles enveloppés hermétiquement dans le répertoire du téléphone ont porté un coup foudroyant à la plume et à la correspondance. Nous nous sommes détournées des mots qui bruissent et du tracé malhabile des lettres, des ratures, des répétitions et des séparations…Nous nous sommes détournés de l’authenticité et avons humblement donné naissance aux mots sortis d’une machine.

Музей писем и манускриптов |Musée des Lettres et Manuscrits

Работать я не мог ни одного мгновения. Едва проснувшись, моя первая мысль была о Вас, моя Любимая... Я бегал по комнате в необычайном волнении, бросался на кровать, проливая слезы, но то были слезы бесконечной нежности...[

Le musée des Lettres et Manuscrits s’efforce dans une quête désespérée de faire revivre ce qui est perdu et a même consacré une exposition à la correspondance amoureuse. Musset, Prévert, Apollinaire, Saint-Exupéry, Cocteau, Napoléon, Alexandre II, Gainsbourg, Brigitte Bardot, Mick Jagger, toutes des lettres différentes, une écriture différente, différents personnages, différentes époques, différents tempéraments, mais tous possèdent un dénominateur commun : l’amour.

Le titre de l’exposition est tiré d’une citation de l’écrivain français, essayiste et philosophe, Léon Bloy : « Je n’ai rien à te dire, sinon que je t’aime ». Cette déclaration est adressée à sa fiancée Jeanne Molbech. Cependant à la lecture de quelques-unes de ses lettres, on comprend que témoigner son amour signifiait quelque chose. Par exemple,

« Je n’ai pas pu travailler un seul instant. En m’éveillant ma première pensée a été pour vous, ma bien aimée… Je parcourais ma chambre dans une agitation extraordinaire et parfois je me jetais sur mon lit en versant des larmes, mais des larmes d’une douceur infinie… »

В залах музея | Dans les salles du musée

С’est qu’il était fou amoureux le pauvre bougre, il parcourait sa chambre, pleurait. Il n’est, bien sûr, pas aisé de travailler dans de tels états extatiques ; c’est la raison pour laquelle les critiques ne l’aimaient pas ; en revanche, Jeanne est devenue sa femme. Jusqu’à la fin de la vie de cet homme, elle a été son meilleur ami et sa muse. Il semblerait que la fin ait été heureuse.

L’amour touchant et résigné de l’actrice Juliette Drouet émeut complètement. Malgré les innombrables infidélités et le caractère bouillonnant de Victor Hugo, elle fit ses adieux à la scène et se consacra toute sa vie durant à recopier les manuscrits de Victor Hugo. Dans ses correspondances amoureuses, elle écrit « J’ai copié, COPIE (…) n’importe où vous irez je serai contente pourvu que je vous voie et que vous me souriez ».

Elle a recopié ses manuscrits et elle l’a ensuite accompagnée en exil ! Une sainte femme que cette Juliette Drouet.

Remarquable, il va sans dire, la correspondance entretenue par Alexandre II, homme volage, à l’adresse de Katenka Dolgoroukovaya. La tendre lettre du tsar envoyée à sa favorite à 9 heures du matin n’est absolument pas univoque « Bonjour mon ange, je t’aime, je t’aime et suis heureux de t’aimer. Je dois t’avouer que nos rencontres nous ont réussies en plein aujourd’hui… ». Il a entretenu avec elle une correspondance dénuée de honte et sans fard pendant de nombreuses années. Et cela s’est conclu par la naissance de quatre enfants et un mariage officiel.

Ensuite ce sont les lettres de Jacques Prévert à son ancienne épouse, Claudie Carter âgée de 16 ans. Ces lettres ne sont pas très étoffées, en revanche des oiseaux et des fleurs sont dessinés en marge au crayon. C’est d’ailleurs tout à fait compréhensible, la jeune fille était vraiment jeune.

Saint-Exupéry étonne également. Il s’avère qu’il est également tombé amoureux et qu’il a écrit. Il a d’ailleurs écrit au nom du petit prince. La dame de son cœur était mariée et était de surcroît officier. En tant que véritable officier, elle a ignoré ces lettres. Exupéry n’a pas supporté le coup et dans son ultime missive, il lui a écrit que le petit prince était mort. L’histoire est triste, on a pitié du petit prince.

Le chef d’œuvre suivant est une chanson de Serge Gainsbourg composée au cours d’une nuit pour Brigitte Bardot. « Je t’aime, moi non plus ». La chanson, bien sûr est scandaleuse, l’écriture est osée et caricaturale, mais l’amour se consume. D’ailleurs, la chanson, telle qu’elle fut composée n’a pas été éditée. Serge Gainsbourg l’a ensuite chantée bien plus tard pour Jane Birkin.

Brigitte Bardot l’a ensuite avouée à son tour. D’ailleurs, à la surprise à son mari. Elle l’a ensuite écrit de façon dramatique, même avec une certaine folie furieuse… Ils se sont ensuite séparés. Cette occupation : aimer était trop dévoreuse d’énergie pour elle.

Le plus laconique d’entre eux, s’avère être Mike Jagger. La lettre est adressée à une certaine Laeticia et elle est rédigée sur le papier à en tête de l’hôtel London Hilton. Mike Jagger, bien sûr s’est excusé pour la courte missive et il a conclu par « I love you – so in love with you ». Bref et clair.

C’est ainsi qu’ont écrit des gens talentueux sur leurs amours. Ils écrivaient et ils ne craignaient pas de paraître ridicules. Le poète portugais et avant-gardiste Fernando Pessoa s’est exclamé un jour « Les lettres d’amour, si l’amour existe, doivent être ridicules. Et au bout du compte, c’est celui qui n’écrit pas de lettres d’amour qui est ridicule. »

Et il avait bien raison Fernando ! Et Blois, pleurant par amour ne paraît plus aussi drôle. On quitte l’exposition avec un sentiment mêlé de gêne, que l’on est  « soi-même idiot » avec une envie obsessionnelle qui nous taraude d’écrire sur l’AMOUR…

Musée des Lettres et Manuscrits, 222 boulevard Saint-Germain, 75007 Paris

Exposition jusqu’au 15 février 2015