Au musée il n'y a pas de place pour l'embarras. Marquis de Sade
Le Musée d’Orsay a décidé d’ouvrir la nouvelle saison autour d’une exposition provocatrice dédiée au Marquis de Sade, intitulée « Sade. Attaquer le soleil ».
Deux siècles sont passés mais le nom de Sade fait toujours scandale. Néanmoins, il serait difficile de déclarer que l’exposition a été montée dans le but de frapper le public bien pensant. Bien que le sexe et le scandale rapportent traditionnellement plus, l’exposition actuelle n’est pas seulement tant de la provocation qu’une analyse intéressante de la place de Sade dans la culture mondiale.
En travaillant sur des artistes du XIXème et XXème siècle, la commissaire invitée, une spécialiste de Sade, Annie Le Brun, a tenté de suivre l’influence de l’œuvre de l’écrivain, principalement dans la conception des gens de la sensualité. Elle analyse comment cette nouvelle sensualité décontractée, physiologique à l’extrême et confinant parfois à la cruauté (et dépassant souvent cette frontière) rejaillit longtemps dans la conception de l’espace culturel des sujets déjà existants et dans l’apparition de nouveaux.
Le sexe et la violence ont toujours existé dans la culture (ce dont témoigne la salle avec les œuvres du XVème au XVIIIème siècle), ce thème n’est pas nouveau, mais Sade a pu détourner l’attention de la représentation directe du sujet vers la communication de sa plénitude physico-sensuelle. En d’autres mots, Judith tuant Holopherne n’est plus maintenant uniquement un sujet de l’Ancien Testament, mais toute une palette de sentiments parmi lesquels, en plus de la crainte et de la soif de vengeance, se mêle l’excitation à la vue du sang et sa propre cruauté.
L’amour physique est lié plus directement avec l’anatomie humaine. Sade le rapproche donc de l’opération chirurgicale. Mais d’où vient tout à coup chez lui une telle attention inquisitrice à la physiologie, une telle description audacieuse de celle-ci ? Une des salles de l’exposition est remplie d’atlas et de modèles anatomiques du corps humain, si en vogue au XVIIIème siècle. A côté des modèles de cire, nous découvrons le travail du célèbre anatomiste Honoré Fragonard. Son amour envers le corps humain dans toute la beauté de sa structure, dans toute la perfection des os, des nerfs et veines, son hommage à cet intérieur de l’homme – si fréquemment rejeté – considéré presque comme une œuvre d’art provoque souvent chez nos contemporains un ahurissement et des doutes sur sa santé psychique. Pourtant, Fragonard et Sade sont simplement les fruits de leur époque, si avide et jusqu’à alors, la composante anatomique de l’homme n’était pas du tout honteuse.
Le sexe est souvent perçu comme quelque chose de tabou, honteux, presque interdit. Sade considère qu’il y a quelque chose de criminel dans la possession de la femme. Quand on accomplit un crime, on crée de la douleur, mais dans cette domination sur la victime il y a quelque chose d’excitant. C’est autour de telles réflexions (en grossissant le trait) que se cristallisent les œuvres de Sade.
L’éventail des œuvres exposées est énorme. Du XVème siècle jusqu’à l’époque contemporaine, de l’érotisme jusqu’aux œuvres à la frontière avec la pornographie, des toiles élégantes de maîtres célèbres aux gravures pour l’amusement du public peu exigeant. Aussi dans l’exposition sont présentées toutes les éditions possibles des œuvres de Sade et quelques lettres qu’il a envoyées de prison (incontestablement, le libre penseur pouvait comparer les conditions de détention dans au minimum deux prisons parisiennes : Le château de Vincennes et la Bastille).
La scénographie de l’exposition est simple et dépouillée, les organisateurs ont clairement voulu ne pas détourner l’attention des spectateurs par une théâtralité excessive. Le nom de chaque section de l’exposition est sculpté dans une boîte spéciale illuminée de l’intérieur, de telle façon que selon les différents points de vue les inscriptions soit apparaissent soit s’évanouissent. Les visiteurs particulièrement observateurs peuvent s’amuser de la réaction des autres spectateurs. L’un étudie sérieusement les textes explicatifs, l’autre se trouble et rougit, un autre encore glousse. Sade après deux siècles continue d’épater et d’embarrasser le public.
Autour de l’exposition sont prévues des tables rondes, des lectures publiques, des débats littéraires, des projections de films, mettant en scène les romans du marquis de Sade, et bien sûr, de nombreuses excursions. Si bien que je conseille à ceux qui désirent savoir qui est le marquis de Sade et quelle est sa place dans la culture mondiale, de trouver le temps pour aller jeter un œil au Musée d’Orsay avant le 25 janvier.
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